Chaque semaine, l’univers de Chapitre XII : actualité littéraire, critiques, dédicaces, rencontres… et le Journal d’une Femme de Livres par Monique Toussaint.
Cette semaine, 3 livres qui se complètent dans la mesure où chacun éclaire de plus ou moins près, les sérieux problèmes que nous pose l’époque.
Le tourment de la guerre de Jean Claude Guillebaud, éd. L’iconoclaste, 20€
Aurons-nous assez de cran et de calme pour regarder en face les monstres qui nous habitent ? La guerre est une prodigieuse énigme dont le feu, une fois encore, revient nous tourmenter. Mêlant sa propre histoire de fils d’officier et d’ancien reporter de guerre à son talent d’analyste, Jean-Claude Guillebaud se penche sur cette vérité encombrante, brutalement ressurgie du fond des ténèbres : l’homme a toujours fait et aimé faire la guerre. Convoquant ses souvenirs et ses lectures, retournant sur les lieux des grandes batailles, scrutant toutes les époques, il enquête sur cette effroyable passion qui nous fascine et nous répugne tout à la fois. Ce voyage au bout de la violence, comme un miroir qu’il nous tend, apporte un éclairage engagé et précieux sur les événements contemporains.
Terreur dans l’hexagone de Gilles Kepel, éd. Hors Série Connaissance, Gallimard, 21€.
Pendant les dix ans qui séparent les émeutes de l’automne 2005 des attentats de 2015 contre Charlie Hebdo puis le Bataclan, la France voit se creuser de nouvelles lignes de faille. La jeunesse issue de l’immigration postcoloniale en constitue le principal enjeu symbolique. Celle-ci contribue à la victoire de François Hollande aux élections de 2012. Mais la marginalisation économique, sociale et politique, entre autres facteurs, pousse certains à rechercher un modèle d’«islam intégral» inspiré du salafisme et à se projeter dans une «djihadoshère» qui veut détruire l’Occident «mécréant». Le changement de génération de l’islam de France et les transformations de l’idéologie du djihadisme sous l’influence des réseaux sociaux produisent le creuset d’où sortiront les Français exaltés par le champ de bataille syro-irakien. En 2015, plus de huit cents d’entre eux le rejoignent et plus de cent trente y trouvent la mort, sans compter ceux qui perpètrent leurs attentats en France. Dans le même temps, la montée en puissance de l’extrême droite et les succès électoraux du Front national renforcent la polarisation de la société, dont les fondements sont aujourd’hui menacés de manière inédite par ceux qui veulent déclencher, dans la terreur et la désolation, la guerre civile. C’est à dénouer les fils de ce drame qu’est consacré ce livre.
Blasphème de Jacques de Saint Victor, Collection L’Esprit de la cité, Gallimard, 14€
Il avait disparu de notre horizon politique. Voltaire en avait fait une infraction d’un autre âge. La Révolution française allait le congédier du domaine de la loi, pour l’ériger en «crime imaginaire». Et voici que le blasphème, notion si longtemps désuète, s’invite à nouveau dans notre vie publique, sourdement d’abord, puis au grand jour, dans le fracas des attentats sanglants de janvier 2015. Ce «péché de bouche» a une longue histoire qu’il faut retrouver pour mieux comprendre comment, d’un siècle à l’autre, il s’est articulé à nos guerres civiles et à nos conflits idéologiques. Outrage religieux, crime identitaire, délit politique : le blasphème n’a cessé de se métamorphoser au gré des époques, avant de déserter, en 1791, nos manières de penser, puis de réapparaître voilà quelques années sous des atours inédits. C’est cette trajectoire que Jacques de Saint Victor restitue afin de rendre intelligibles les raisons et les enjeux du débat que le blasphème suscite aujourd’hui. Son invocation récente, par certains, au nom du respect des «convictions intimes», met à l’épreuve un principe fondamental, propre à notre nation depuis des siècles, la liberté d’expression, et, au-delà, une manière singulière de s’entretenir des choses de la cité.
Résumé des chapitres de janvier
Apres avoir fait connaissance grâce à Jean-Pierre Orban de la fascinante Véra, nous avons découvert un personnage,FOG, Franz Olivier Giesbert, pur produit de notre époque, journaliste influent, (il fut tour à tour rédacteur en chef du Nouvel Obs, puis du Figaro et enfin directeur du Point) n’hésitant pas à trahir les puissants qui nous gouvernent après avoir été traité par eux comme un ami, sinon un féal. Marion Van Renterghem, grand reporter au Monde en a fait un portrait extrêmement réjouissant
Et enfin, n’oublions pas notre premier dimanche poétique qui s’est déployé autour d’Apollinaire . La formule qui mêlait musique, lectures de poèmes et éclairage érudit a connu un franc succès et Laurence Campa, biographe du poète a séduit le public par son élégance, sa connaissance du sujet et le charme de sa voix. Le salon littéraire d’autrefois fut ressuscité le temps de prendre une tasse de thé.
Et pour suivre…
En février,Chapitre XII va accueillir un « Gardien de Musée ». Cela nous a donné l’occasion de bousculer nos tables et nos rayons et de donner à l’une de nos salles un faux air de salle de musée. C’est qu’en effet Philippe Bertels, l’artiste que nous allons exposer et qui fut quelques mois gardien de musée pour de vrai s’est inspiré de cette expérience pour écrire un livre et l’illustrer de dessins poétiques et drolatiques.
Chapitre XII, 12 avenue des Klauwaerts, 1050 Bruxelles. T. +32 (0) 2 640 51 09. Tous les jours du mardi au samedi, de 13h à 18h30.