Chaque vendredi, Anouk Van Gestel repère le meilleur des sorties littéraires, relie les genres, réveille les classiques oubliés, partage ses trouvailles insolites et ses rencontres d’auteurs, d’ici ou d’ailleurs.
Vous avez aimé
Photo de groupe au bord du Fleuve, Emmanuel Dongala
Vous serez remué.e avec Girl
Maryam est une adolescente nigériane. En pleine nuit, elle et ses amies sont réveillées par des coups de feu dans leur dortoir, puis par des cris terrifiants Allahu akbar, Allahu akbar. Elles sont toutes emmenées en camions dans la jungle. Des trophées de guerre. Leur long calvaire débute. Maryam a pu cacher un petit carnet dans lequel elle raconte sa captivité, la peur, les viols, les mariages forcés, l’espoir d’être sauvée et la naissance de son enfant non désiré.
L’extrait
Ils avaient creusé une fosse, avec la terre aplatie autour. Des hommes se rassemblaient comme pour un grand spectacle. Des ouvriers ont apporté des brouettes pleines de cailloux, qu’ils ont entassés, muets, pernicieux. Il y en avait de toutes les couleurs, gris, noir, charbon, avec des arêtes tranchantes, spécialement choisis pour ce qui allait se passer. Il y a eu un curieux silence, comme avant quelque chose de sinistre. Ils ont emmené la femme, la poussant aussi par derrière, comme une mule. La plus belle femme de tout le camps. L’épouse de l’émir en chef, et le bruit a couru qu’elle était sur le point d’être lapidée pour adultère.
Entre les lignes
Girl patientait à côté de mon lit, dans une pile de livres à lire. Je ne sais pas pourquoi j’ai mis autant de temps à l’ouvrir. Une fois commencé, impossible de le lâcher. Quel choc ! Ce roman, écrit à la première personne, raconte l’horreur. Celle que l’on n’ose même pas imaginer. Celle vécue par 276 jeunes filles séquestrées par les djihadistes de Boko Haram au Nigéria. A travers son récit, on prend en pleine figure la violence et la cruauté subies par ces adolescentes utilisées comme esclaves sexuelles. Page après page, on se prend des uppercuts, jusqu’à en sortir K.O. Un livre bouleversant, indispensable. Pour se mettre dans la peau de la jeune narratrice, Edna O’Brien, 88 ans, s’est rendue à Lagos pour enquêter, récolter des témoignages et être au plus près de la vérité. Récompensé du Prix Femina pour l’ensemble de son œuvre, le roman d’Edna O’Brien fait partie de ces livres remarquables qui résonnent longtemps après les avoir terminés.
Girl, Edna 0′ Brien, Sabine Wespieser éditeur, 21 €.