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Mon cœur restera de glace, Éric Cherière, Belfond Editions, 18 €.

Des livres &+
Noir de noir

Anouk Van Gestel -

Chaque vendredi, Anouk Van Gestel repère le meilleur des sorties littéraires, relie les genres,  réveille les classiques oubliés, partage ses trouvailles insolites et ses rencontres d’auteurs, d’ici ou d’ailleurs.

Vous avez aimé 

La chambre des officiers, Marc Dugain

Vous serez secoué.e par Mon cœur restera de glace

2020, un ancien SS allemand est à l’agonie dans un hôpital. Il est prêt à raconter l’histoire que tout le monde veut connaître, celle du Croquemitaine, L’homme parti vivre dans une forêt de Corrèze avec son petit frère revenu défiguré de la guerre 14-18. Celui qui, lors de la deuxième guerre mondiale, traquait les ennemis qui s’aventuraient inconscients dans les bois pour ensuite leur faire subir une mort lente et abominable. Il va raconter l’innommable avec des mots d’une cruauté glaçante.

L’extrait  

Le 19 août 1941, à Slavouta en Ukraine, Hünger avait abattu son premier enfant. Un petit garçon aux cheveux roux avec un visage en forme de fleur, s’était-il formulé. Il l’avait d’abord accompagné pendant une dizaine de minutes, depuis la maison où il avait été raflé jusqu’à l’aire d’exécution. Main dans la main. Pour apaiser l’enfant qui pleurait, Hünger avait imité le son des animaux de la forêt. Il les connaissait tous. Ni l’enfant, ni le SS ne s’étaient souri comme essayaient de faire d’autres couples de victimes et de bourreaux, mais pendant quelques secondes ils s’étaient regardés dans les yeux avec une étrange candeur à laquelle avait mis fin l’ordre de se coucher face contre sol. Au moment de presser la gâchette, Hünger avait pensé à sa première biche, tuée d’une seule balle elle aussi quand il avait à peu près l’âge de ce gosse. Hünger s’était alors convaincu qu’il n’y avait pas grande différence entre une biche et cet enfant.

Entre les lignes

Comment devient-on tortionnaire ? Quel mécanisme mental parvient à faire perdre toute humanité ? Comment peut-on accomplir des actes ignobles sans état d’âme, en gardant un cœur de glace ? C’est, en filigrane, ce qui est raconté dans ce roman noir de noir écrit avec un style qui parvient à poétiser l’horreur. Pour écrire ce livre, Eric Cherrière s’est inspiré d’un fait réel : de juillet 1942 à novembre 1943, quelque 500 réservistes allemands, des pères de famille ordinaires, ni nazi ni violents de nature, ont assassiné plus de 38 000 Juifs d’une balle dans la tête. Autant vous prévenir, si la lecture de ce roman est compulsive, elle se fait avec un creux à l’estomac.

Mon cœur restera de glace, Éric Cherière, Belfond Editions, 18 €.

Disponible sur Bazar e-Shop