Chaque vendredi, Anouk Van Gestel repère le meilleur des sorties littéraires, relie les genres, réveille les classiques oubliés, partage ses trouvailles insolites et ses rencontres d’auteurs, d’ici ou d’ailleurs.
Le temps d’un café avec Nadine Monfils
Nous avons rendez-vous dans un bar de la Place Flagey, à Bruxelles. Nadine Monfils est remontée de Normandie pour présenter son dernier roman à la presse belge. Toute frêle, elle a les yeux qui pétillent d’intelligence et d’humour, elle accepte de jouer le jeu d’une interview sans questions.
Réaction à 4 phrases extraites de son roman
Lorsqu’on découvre le Palais idéal du Facteur Cheval, on encaisse d’abord un sacré choc, et on sait qu’après rien ne sera plus jamais pareil.
J’avais 5 ans quand j’ai visité pour la première fois ce palais fabuleux dans la Drôme. Un éblouissement. L’intérieur est aussi fou que l’extérieur et, en sortant de là, j’ai eu l’impression de sortir avec quelque chose sur l’épaule, comme un fantôme. Je n’étais plus tout à fait la même. J’y suis retournée des années plus tard et j’ai l’impression que le facteur Cheval m’a murmuré plein de choses pendant que j’écrivais son histoire dans la mienne.
Quelquefois, je me traitais moi-même de fou, d’insensé ; je n’étais pas maçon, je n’avais jamais touché une truelle ; sculpteur je ne connaissais pas le ciseau. Quant à l’architecture, je n’en parle pas, je ne l’ai jamais étudiée. Espérance, patience, persévérance, j’ai tout bravé : le temps, la critique et les années.
On le traitait de fada dans son village. Quand sa fille est morte, le Facteur Cheval aurait pu sombrer dans la dépression, il a trouvé une autre façon de réagir à la douleur. Il a construit, pierre après pierre, durant 33 ans, son palais idéal.
Mes sourires, je les grave aussi entre les pierres de mon Palais. C’est là que j’aimerais que toutes les femmes tristes du monde se réfugient.
Oui, mais ce n’est pas un palais de tristesse. Au contraire, c’est un endroit d’où l’on ressort joyeux. Parce qu’il est la preuve que tout est possible. Même les rêves les plus fous sont réalisables et ce palais en est le symbole. C’est pourquoi il est tellement important que Malraux l’ait sauvé. Parce qu’il faut garder des témoignages de gens comme ça. C’était un petit facteur tout simple, un homme qui n’avait pas d’instruction et qui, tout seul, avec ses cailloux et sa brouette a construit ce palais fabuleux. Il s’est inspiré des calendriers de la poste parce qu’il n’a jamais voyagé.
La passion quelle qu’elle soit, nous sauve de tout
J’en suis convaincue. La passion est un radeau de sauvetage, elle nous sauve de tous les malheurs. La passion quelle qu’elle soit. Cela peut être la passion artistique, cela peut être la passion des autres, … Je pense aussi qu’il n’y a pas d’art sans générosité. L’art devient vraiment important quand il devient un don de soi. La vie est courte et si vous avez un rêve il faut tout faire pour le réaliser. Il vaut mieux arriver à la fin de sa vie et se dire au moins j’ai essayé et ça n’a pas marché plutôt que partir avec des regrets. Et le temps n’est pas une excuse. Quand on a vraiment envie, on trouve le temps. Le facteur Cheval en est un parfait exemple parce qu’il avait un boulot fastidieux, il effectuait ses tournées à pied et il a quand même trouvé le temps d’aller chercher tous ces cailloux et de construire son palais la nuit à la lueur d’une lanterne et avec des outils rudimentaires. C’est bien la preuve que quand on veut on peut.
Le rêve d’un fou, Nadine Monfils
Fleuve Editions, 14,90 €
Disponible sur Bazar e-Shop