Où sont les chansons grivoises de naguère ? Pas dans les hits parades en tout cas. Snobées, décriées, les chansons paillardes gagneraient pourtant à être davantage chantées si pas reconnues ! Poil au…
De profundis morpionibus
La Digue du cul, Saint-Nicolas, Bandais-tu-Bel Alcindor… non, la chanson française ne se résume pas aux comptines de grand-mère, ni aux standards du show-biz francophone. Pleines de foutre, de vin, de bière, de poils et autres joyeusetés scatologiques, ces chansons cochonnes constituent un répertoire à part entière riche de centaines d’œuvres toutes plus jubilatoires les unes que les autres. Elles représentent même, aux dires des spécialistes, le témoignage d’une culture populaire vieille parfois de plusieurs siècles ! La petite Lisette, ou la petite Huguette c’est selon, qui conte les aventures d’une jeune fille délurée et d’un avocat non moins gaillard, remonte par exemple à 1602 ! Jeanneton prend sa faucille, aussi dénommée la Rirette, est également une des plus anciennes chansons paillardes du répertoire français. On en trouve une version archaïque dans un recueil publié en 1614. Les deux derniers couplets, et leur morale porcine, datent par contre du XIXe siècle.
Aux ânes de Camaret
Chansons à boire, célébrant les plaisirs de la table et du lit, les refrains salaces savent aussi se faire irrévérencieux, daubant à l’occasion l’ordre établi ou la religion. Une sorte de carnaval permanent qui ne demande qu’à être entonné. Les paroles des Filles de Camaret, par exemple, ne sont tendres ni envers les bigotes de la ville, ni envers son curé et son maire. Et accessoirement les ânes. Le texte, sans doute l’œuvre de Laurent Tailhade, polémiste et libertaire français né en 1854, a même sa petite histoire. Celle-ci veut que Tailhade ait failli se faire lyncher par les habitants du cru, après qu’il ait notamment exposé un pot de chambre en pleine procession religieuse ! Rageur, le poète aurait déposé plainte avant de rédiger, quelques années plus tard, cette chanson qui a tant fait pour la réputation de Camaret. À noter que les habitants de la commune bretonne ne semblent plus lui en tenir rigueur. Un festival de chansons paillardes s’y tient en effet depuis 2013.
Célèbre inconnu
Si bien des refrains paillards sont anonymes, d’autres possèdent parfois des auteurs très connus. C’est le cas de De profundis morpionibus, qui raconte la bataille épique de cent mille poux affrontant un nombre égal de morpions, aux alentours immédiats d’un sexe qu’on devine fort poilu et vraisemblablement féminin, et dont les paroles sont l’œuvre de Théophile Gauthier lui-même ! Un peu gêné tout de même aux entournures, il précisa à son éditeur qu’il désavouerait le texte au cas où il devrait paraître signé de son nom. L’éditeur finit tout de même par republier celui-ci plus tard, dans une anthologie qui ne lassait aucun doute sur sa paternité : Poésies de Th. Gautier qui ne figureront pas dans ses œuvres ! Autre grand classique des chansons de corps de garde, Le pou et l’araignée, aurait quant à lui été composé par Hector Berlioz avec des paroles d’Alfred de Musset.
À la claire coquine
Mais les chansons paillardes ne s’affichent pas toujours comme telles. Dans Il était une bergère, qui sait par exemple que laisser aller le chat au fromage se disait jadis des jeunes filles qui se faisaient joyeusement culbuter ! Il court, il court le furet ? Une vraisemblable contrepèterie de : Il fourre, il fourre le curé. Passons sur la Mère Michel, qui se lamente vraisemblablement sur autre chose que la perte de son chat, pour terminer sur la Claire fontaine, une chanson littéralement remplie de sous-entendus grivois, à commencer par ce bouton ou ce bouquet de rose qu’on regrette ensuite d’avoir donné !
Je me fais sucer la friandise
Les chansons grivoises, un répertoire des mâles en goguette ? Pas seulement. Le genre compte des interprètes féminines de talent, dont la fameuse Colette Renard, à qui l’on doit plusieurs albums de ritournelles délicieusement salaces. Son œuvre la plus connue est sans conteste Les nuits d’une demoiselle, une enfilade de métaphores toutes plus suggestives les unes que les autres, dans laquelle l’artiste semble prendre beaucoup de plaisir à se faire sucer la friandise ou se faire picorer le bonbon ! À écouter et réécouter :
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Illustration TaraM