Liberté
L’album commence par un court morceau en trompe l’œil, dansant sur un plancher glissant. Les choses sérieuses commencent à l’entame de Don’t Wanna Be et sa basse claquante qui ouvre un funk désossé et irrésistible. Black Terry Cat, deuxième album de la new-yorkaise Xenia Rubinos est le genre de belle surprise d’autant plus excitante qu’on ne l’a pas entendue venir. Les ingrédients sont minimaux, une basse bien ronde, une batterie sèche qui ne perd jamais le groove, des touches inventives de claviers et cuivres et surtout une voix caméléon qui peut passer du rap aux caresses soul. Et une musique qui allie la liberté du jazz à l’énergie du rock. Musicienne précoce, elle a décroché une bourse au fameux Berklee College of Music de Boston pour y étudier la voix. Chanteuse instinctive, elle raconte avoir préparé un arrangement pour voix que son prof, ébahi, a comparé à du Mingus dont elle n’avait jamais entendu une note !
Groove parfait
Avec des ingrédients très limités, elle déploie dans cet album une grande inventivité dans les arrangements et dans les modulations de sa voix qui passe du hip-hop au jazz ou au soul avec un naturel déconcertant. Alors que son premier album avait été composé sur un clavier, elle a décidé dans un esprit très DIY de travailler le second à la basse. Je me suis dit qu’adopter un instrument complètement nouveau pour moi me forcerait à me concentrer d’avantage sur le chant et à m’ouvrir aux idées nouvelles. J’ai toujours cru que c’est la batterie qui me fait danser mais avec ce disque j’ai découvert que c’est la basse qui fait bondir le rythme. La seule manière d’obtenir un groove parfait c’est de laisser chaque instrument occuper son propre espace et tempo. Et du coup, tout se met ensemble et bouge comme un beau chat ébouriffé et élégant.
Ressenti
Avec des origines porto-ricaines et cubaines, Xenia est très sensible, dans ses textes, aux questions de discrimination et de couleur de peau, en restant du côté du ressenti plutôt que des grands slogans. Elle lâche quelques phrases en espagnol, fait rimer Quiero avec ghetto. Dans Mexican Chef avec un débit très rap, elle fait la tournée de tous les restos de la grosse pomme qu’ils soient dominicains, italiens, français ou chinois, ce seront toujours des latinos ou des blacks en cuisine. Des bruns comme elle dit qui font tourner l’Amérique, qui font tous les sales boulots dont les blancs ne veulent plus.
Rire
Xenia Rubinos, c’est aussi une femme forte qui prévient dans Just like I : Avec les mêmes dents, je souris et je mords, avec les mêmes lèvres, j’embrasse et je mens. Dans Laugh Clown, au sensuel tempo bluesy soul, elle balance que quand elle ne sait pas ce qui lui arrive, elle se sent comme un clown et elle se contente de rire. Dans la chanson How Strange It Is qui clôture l’album avec sa clarinette orientalisante, elle constate combien il est étrange de vivre dans ce monde. Et le chat noir retourne à sa nuit féline.
Black Terry Cat, Xenia Rubinos, CD Anti 14 plages, 45 min