Quatre après la création de Nendo en 2002, il était cité par Newsweek parmi les 100 japonais les plus influents. En 2012, il est designer de l’année pour Wallpaper et pour Elle Deco International et créateur de l’année 2015 pour Maison et Objet. Perfectionniste jusqu’au bout des ongles, boulimique de travail cet homme élégant et décontracté traque les émotions qui peuvent jaillir du quotidien. Quand on dit d’une de ses pièces qu’un enfant pourrait faire la même chose, il le prend pour le plus beau des compliments. Mais s’il cherche la simplicité comme d’autres cherchent de l’or, son épure est le résultat d’un travail inlassable. S’il tient à la pureté des formes et des idées, il y ajoute toujours un petit zeste d’humour qui désacralise l’objet à l’image du smiley qu’il glisse de le « o » de Nendo quand il doit signer ses créations.
Vous avez intitulé cette exposition Outlines (contours) qui sont une affaire de lignes et de dessin, mais vous avez étudié l’architecture qui traite de l’espace. Comment arrivez-vous dès lors à l’équilibre entre ces deux concepts ?
Je pense que c’est exactement à cela que notre travail essaie de répondre : comment faire le lien entre des croquis et un volume pour arriver à des objets et à du mobilier. C’est ainsi que ma pensée fonctionne, des croquis à l’espace avec au milieu quelque chose de très vague qui est l’idée. Quand je crée quelque chose, j’essaie de ne pas penser à l’objet, mais de m’intéresser à ce qui l’entoure, ce qui peut exister derrière, et entre les deux et vous arrivez alors à tellement d’idées intéressantes autour de l’objet.
Comment êtres vous passé du design à l’architecture ?
J’ai étudié l’architecture à l’université Waseda de Tokyo et puis en visitant la foire de Milan, j’ai remarqué que le design pouvait concerner tout le monde, pas seulement une niche spécifique. Je me rends compte que les designers font des intérieurs et des voitures et que les architectes dessinent des tasses et des cuillères, les frontières sont devenues très floues de nos jours. Je ne voyais pas pourquoi me limiter à l’architecture, alors j’ai commencé à designer des choses. Nendo signifie pâte à modeler, comme celle que les enfants manipulent pour lui faire prendre différentes formes et couleurs. C’est la liberté de créer, je pense que c’était mon point de départ dans le design. Bien sûr, c’est présent dans l’architecture aussi, nous avons d’ailleurs dessiné quelques maisons privées à nos débuts, mais progressivement nous nous sommes concentrés sur les objets, le design d’intérieur et le graphisme. Maintenant après plus de dix ans nous revenons vers l’architecture. Nous venons de terminer un parc public, près de Kyoto au Japon. Si nous n’avions fait que de l’architecture pendant ces dix dernières années, je pense qu’il aurait été complètement différent. C’est avec cette expérience que nous revenons à l’architecture, ce que je trouve intéressant.
Les raisons qui vous ont poussé à faire du design avec Nendo il y a 15 ans sont-elles les mêmes que celles qui vous poussent à continuer aujourd’hui ?
Oui. Au plus, je fais du design, au plus je deviens fan de design., et ça continue. C’est mon hobby, c’est ma vie et j’ai l’impression que pour les jeunes designers, il ne suffit pas d’apprécier le design , il faut l’adorer à fond. Si vous trouvez que le design, c’est sympa et des trucs de ce genre, vous ne serez jamais un bon designer. Il faut vraiment aimer ce qu’on fait. C’est assez dur parce que dans chaque projet il y a beaucoup de moments difficiles. Il y a toujours, des erreurs et des problèmes dans chaque projet et il faut prendre plaisir à chacune de ces étapes.
Vous avez dit que nous ne vous sentiez pas précisément proche du minimalisme, qu’est-ce qui vous en sépare ?
J’ai le sentiment que quand les choses deviennent trop minimales, elles deviennent parfois froides et peuvent rebuter les gens. C’est pour ça que j’essaie de distiller une touche d’humour, et de surprises, comme on ajoute des épices dans un plat. Ça enrichit le goût et cela crée des liens. Je pense que ces petites interventions, ces émotions créent un lien entre les gens et les objets, entre les gens et l’espace et entre les gens eux-mêmes. C’est l’aspect le plus important de mon travail.
Votre travail a un côté très ludique ?
Oui. J’ai envie d’intéresser les gens qui ne sont pas au départ spécialement attirés par le design. J’ai aussi envie que les enfants s’intéressent à ce genre d’idées et que quand ils quittent le magasin, ils se disent » « Hé mais je peux faire ça aussi.! » C’est un chouette aspect du design.
Dans cette exposition, vous mélangez différents types de production ?
Certaines des pièces présentées ne sont pas des objets finalisés, ils ne sont pas prêts pour un usage quotidien. Ils doivent encore évoluer, en fait Ils ne sont pas terminés. Peut-être que la chaise en fil n’est pas très confortable, mais peut être qu’elle va évoluer en quelque chose d’autre qui est vraiment fonctionnel et émotionnel dans le contexte de la vie quotidienne. Je pense aussi que partager ce développement en cours est très important, même si ce n’est pas terminé. Ce n’est pas fonctionnel, mais on a besoin de partager ces idées comme ça quelqu’un d’autre, pas nécessairement moi-même, pourra faire évoluer cette idée vers quelque chose qui fonctionne vraiment au quotidien.
D’où vous vient l’inspiration ?
Je peux trouver des idées dans l’observation des détails dans la vie de tous les jours, comme, par exemple, les ombres dessinées par les bulles dans un verre d’eau gazeuse ou par une fente dans le parquet, mais mon inspiration vient très rarement d’un autre objet, déjà fini. C’est bien plus souvent de petites émotions qui finissent par évoluer. Par contre, je ne m’inspire jamais de mes propres pièces. Il est vraiment important d’oublier certaines choses, d’oublier le plus vite possible pour démarrer avec de nouvelles idées.
Vous avez 25 designers qui travaillent avec vous. Y a-t-il un esprit Nendo, quelque chose qu’il est possible d’apprendre et de transmettre ?
Je ne sais pas, je pense que ce serait plutôt, la méthode de production. On part toujours d’une histoire. J’arrive avec une histoire avec laquelle j’essaie d’inspirer mes designers. Et après on passe très vite à autre chose. Je pense que c’est tout ça qui construit un style.
Vous ne dites jamais à quelqu’un « Oh non, ce n’est pas assez Nendo ! »
Je pense ne jamais avoir dit ça. Ça devrait être facile de comprendre l’histoire parce que l’objet est suffisamment expressif. Ce n’est pas l’objet qui est le plus important, mais l’histoire qu’il raconte. Si l’objet dégage un certain ennui, je le dis parce que l’histoire se dilue. J’essaie de ne pas aborder les choses trop étroitement. Au contraire, j’’essaie d’ouvrir le plus possible ce qu’est Nendo tout en maintenant le plus possible, le côté narratif de l’objet.
Attachez-vous beaucoup d’importance à l’aspect durable des matériaux et de la production ?
C’est pratiquement une règle de base. La pièce doit être sûre, ne pas risquer de blesser les gens, ça ne doit pas être trop cher et quand nous faisons un produit, il doit être vert et recyclable. Voila les règles de base que tout le monde doit garder à l’esprit. Quand au recyclage, ce ne doit pas être un thème de plus mais une priorité. Quand on a le choix entre deux matériaux, on choisira toujours celui qui est le plus durable. On ne devrait même plus y penser, ca devrait toujours être présent.
Est-ce que la catastrophe de Fukushima a eu un impact sur le fonctionnement de Nendo ?
C’est vrai que pas mal d’architectes et de designers ont été affecté par ce désastre. Nous avons essayé de ne pas l’être. On a essayé de continuer d’être ce que nous sommes et de faire ce que nous faisons. On a essayé de poursuivre notre approche. On pense que pour que les gens se sentent en sécurité au Japon, nous devons agir normalement. Comme si rien ne s’était passé. La qualité du design ne changera pas, notre rythme ne changera pas. Nous maintiendrons la qualité Nendo telle qu’elle a toujours été. C’est pour ça que ne rien faire de spécial était la chose la plus spéciale que nous pouvions faire.