Peu après la mort de son chat, une petite fille solitaire voit une panthère surgir d’un tiroir de sa commode. Mais pas n’importe quelle panthère : un séduisant félin en redingote, un vrai dandy un peu frimeur et manipulateur venu en droite ligne de Panthésia. Voilà comment s’installe le somptueux nouvel album de Brecht Evens. Exclusif et manipulateur, « Panthère » est insaisissable, au propre comme au figuré, puisque le félin est en continuelle métamorphose. Comme si on le regardait à travers un kaléidoscope, il apparaît tantôt comme un chat persan, un féroce tigre chinois ou un innocent matou de salon. Alors qu’on le croit gentil et attentionné, il peut se montrer prêt à éliminer tout ce qui pourrait se dresser entre la fillette et lui.
Galerie de miroirs
Réalisé directement à l’aquarelle et à la gouache, le dessin de Brecht Evens digère avec élégance un foisonnement d’influences que l’on croit déceler comme dans une galerie de miroirs qui nous renverraient la naïveté du Douanier Rousseau, la perspective de Escher, le détachement de Matisse, la poésie de Chagall ou la précision de Bruegel l’Ancien. La force de son univers, c’est de nous amener par son dessin là où la parole et la raison ne sont plus de mise. Jouant sur les contrastes entre le monde terne du quotidien et les chatoyantes couleurs de l’univers de « Panthère », le monde de Christine s’organise dans des jeux de perspectives, de traits et de couleurs.
Deux éblouissants premiers albums
Au micro de France Inter, Evens a expliqué que « Panthère » a été conçu comme un petit show, à partir d’un des personnages qu’il jouait pour effrayer et amuser sa copine. C’est comme un petit show pour des enfants, mais qui dégénère.
Les admirateurs du dessinateur flamand, désormais établi à Paris, attendent chacune de ses livraisons avec fébrilité se demandant comment il va encore les enluminer. Après ses deux éblouissants premiers albums, « Les Noceurs » et « Les Amateurs » bruissants de couleurs, de monde et de légèreté, il passe à un huis clos qui ferait ronronner Freud de plaisir, mais qui narrativement est une très légère déception. En s’enfermant dans un monde imaginaire où s’entrechoquent les métaphores, il a laissé derrière lui toutes ces savoureuses observations du quotidien et des personnages qui créent un décalage avec la puissance de son imaginaire graphique. Mais comme tout félin, « Panthère » ne manque pas d’atouts pour nous séduire et faire patte de velours.
Panthère, Brecht Evens, Actes Sud Editions ,15 pages, 23 €,
Disponible sur BAZAR e-SHOP