A certaines heures choisies, particulièrement le matin, il y a moyen d’être pratiquement seul à la BRAFA. L’endroit ressemble alors aux pièces d’une maison que l’on connait et que l’on parcourt cependant pour la première fois. Un grand studio de cinéma où les techniciens, en nombre, s’activent et effectuent un voyage à travers le paysage d’une chambre. Derniers signes d’un monde qui continue de s’affairer à l’intérieur d’un temps qui s’est figé. Les noms des galeries servent de panneaux d’indication et résonnent dans l’esprit comme d’anciennes routes romaines menant aux quatre coins de l’Europe. Il est désormais possible de s’arrêter ou de bifurquer. Avant vous n’étiez qu’un regard tentant de s’accrocher à la moindre chose comme sur un bateau coulant à pic ; vous flottiez sur une bouteille de champagne. Désormais, les détails apparaissent beaucoup plus nettement : ce christ au ventre ouvrable, par exemple. Vous n’aviez pas remarqué non plus une lumière pâle, certaines matières colorées, une corne, une vue de New York en hiver. Les sons se font aussi plus feutrés. Au loin, un piano, peut-être un harmonium. Le Moyen Âge sort d’une bouche, le 17 ème siècle d’une autre, selon des accords qui égalent ceux du vin et des aliments. La confusion historique est ici gage de réalité. Une fesse de lolita américaine, un fauteuil aux motifs verts, une céramique, un Chagall : se crée spontanément toutes sortes de séries incongrues. Les antiquaires regardent fixement devant eux et semblent se préparer à l’incantation. Il n’ y a pas seulement un parfum d’exotisme qui flotte dans l’air mais, en quelque sorte, une excentricité latente. Extrait de sa fonction initiale, l’objet prétend devenir une totalité à part entière au sein de laquelle se croisent de nombreux désirs : la nature, le mythe, l’origine, la douceur et la naissance. Comme si nous cherchions des filiations accrochées à des aiguilles d’horloge, des hérédités sous des pieds de chaise. Ici, le charme emplit tout jusqu’au plus petit défaut ; la puissance et la violence exercées sur l’objet s’estompent. L’objet devient la promesse exquise d’une expérience quasi magique du temps. En captant ces particules anciennes, le visiteur a l’impression de saisir au vol les sagesses ancestrales qui lui servent alors de remparts à l’idolâtrie du neuf. C’est pourquoi une antiquité ne dit pas tant la vérité sur l’époque d’où elle provient que sur l’époque qui la sacre. A coté de vous, le collectionneur maintenant apparaît. Il n’entretient pas une simple relation de propriété avec les objets ; il croit, et c’est peut être là sa douce folie, la relation partagée et passionnée. Ainsi pourrait-il sans doute, comme Ettore Scola, déclarer : « nous nous sommes tant aimés. » Par pudeur, l’objet garde le silence.
BRAFA ART FAIR, Tour & Taxis, Avenue du Port 86 C, B-1000 Bruxelles.
Ouvert Du samedi 23 au dimanche 31 janvier 2016 de 11h à 19h.
Nocturne le jeudi 28 janvier 2016 jusqu’à 22h.
Tarifs: Individuel: 25 €/ 16-26 ans: 10 € par personne , < 16 ans: gratuit / Groupes (≥ 10 pers.): 10 € par personne.
T. +32 (0)2 513 48 31 – f. +32 (0)2 502 06 86 info@brafa.be , www.brafa.be