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Voyages en Orient, Flaubert, Gallimard, 12,90 euros.

Pensée de la semaine
Flaubert et les glaces au citron

Simon Brunfaut -

Le samedi 25 mai 1850, Flaubert a envie d’une glace au citron. Le problème c’est qu’il se trouve au milieu du désert, entre le Nil et la mer Rouge. Aucun bar à granités à l’horizon : il y a de quoi déprimer comme un ermite dans un bal populaire ou un anachorète dans un cocktail mondain. Avec son ami Maxime Du Camp, il a entrepris un grand voyage en Orient. Hélas, depuis plusieurs jours, l’eau pourrit dans les outres. Ne mâchons pas nos mots : ils crèvent de soif. Les esprits s’échauffent, les fronts suent, les aisselles pleuvent, les doigts de pieds prennent l’eau. Gustave, bien que sa moustache brûle comme la mèche d’un bâton de dynamite, est d’humeur taquine. Il interpelle son compagnon en lui demandant s’il n’a pas envie de manger une glace au citron. Maxime ronchonne, se retient de lui casser la figure, essaye de changer de sujet, mais Gustave se met alors à crier à tue-tête : Glace au citron !, Glace au citron ! Et après avoir décrit le parcours de la glace depuis le palais jusqu’à l’estomac, il conclut :

 

Entre nous, ça manque de glaces au citron dans le désert de Qôseir.

 

En ces temps où le soleil envahit nos contrées, on saura apprécier à sa juste valeur cet éloge de la glace au citron, en rappelant au lecteur de préférer au ravier en plastique le cornet voire la tasse, de toujours partir en voyage avec son glacier favori, tout en laissant les autres boire de l’eau trop froide ou trop chaude en oubliant que gelato al limone, en italien, est le nom d’une chanson et – pourquoi pas ? – celui d’une planète imaginaire.

 

Anecdote racontée par Maxime Du Camp dans ses Souvenirs littéraires.

Voyage en Orient de Gustave Flaubert, Folio, Gallimard, 752 p., 12,90 €.