Les tableaux photographiques de Gregory Crewdson mettent en scène une Amérique à la fois quotidienne et fantasmée entre Edward Hopper et David Lynch. Les 31 images de sa dernière série Cathedral of the Pines s’exposent chez Daniel Templon, à Bruxelles et à Paris.
Les images de Gregory Crewdson que nous présente la Galerie Daniel Templon sont fascinantes. Elles ont toute l’apparence de la réalité, mais elle s’en éloignent subrepticement. Avec ses tableaux photographiques d’une Amérique familière et mystérieuse, l’artiste cherche à rétablir, au moins pour un moment, un semblant d’ordre dans le désordre de la vie quotidienne.
L’artiste américain nous invite à nous glisser dans un entre deux, un outre-monde sensible, qui a figé des personnages plongés dans une stupeur méditative. On ne sait rien d’eux. L’un ne nous montre son dos, nu. A quoi pense la jeune fille assise ? Et cette porte entrouverte sur un placard où la lumière brûle comme un feu qui couve. Les vêtements qui traînent sur le sol ne seront jamais ramassés et la lumière qui baigne le pavillon maintiendra pour toujours son éclat diaphane. Le mystère reste entier.
Cathedral of the Pines, sa dernière série, a pour décor, Becket une communauté rurale du Massachusetts. Les photographies de l’artiste américain perpétuent la tradition paysagiste de la peinture et du cinéma. Dans ce coin d’Amérique, la nature est inséparable des hommes qui l’habitent ou la traversent. Témoins muets du passé comme de l’interminable présent, les pins centenaires et la végétation touffue s’imposent aux personnages ou rappellent leur présence par delà une fenêtre avec une netteté sans faille jusqu’à l’horizon.
Les images de l’artiste américain sont des moments de films qui n’existent pas, de romans non écrits. Tous ces personnages nous troublent parce qu’ils pourraient être nous mais ils sont indéchiffrables. Ils n’ont plus de passé et n’ont jamais eu d’avenir. On a peur pour eux, on a peur pour nous, peur du réveil, d’un téléphone qui sonne ou de ce qui pourrait surgir de la sombre forêt. Mais peut-être que sous une lumière aussi belle, les promesses ne peuvent être que celles de l’annonce de beaux jours.