La fuite, c’est souvent une solution de facilité, mais partir peut être un besoin presque physique. reconnaît Gordon Delacroix, chanteur et principal compositeur du groupe bruxellois les Recorders.
Partir comme la jeune fille qui s’en va, sac au dos, dans le clip de Lost at Sea. Traverse les forêts et montagnes du Canada pour arriver à la mer. Comme elle, Gordon a toujours aimé les voyages, l’immersion dans la nature. Vøfsnfjorden, le fjord de la forêt, c’est le pseudo que s’est choisi cet amoureux des grands espaces nordiques. Dès qu’il le peut, Gordon part pour la Norvège, la Suède ou l’Islande en quête d’horizons. Il y a même emmené le groupe en trekking pour se ressourcer avant d’enregistrer l’album. Des moments indispensables pour trouver le sens des choses et du monde.
Avec les chansons du nouvel album, on sent que quelque chose a changé dans la voix de Gordon Delacroix. Elle se fait plus mélancolique, plus posée, avec une sorte de douceur triste. J’ai toujours eu une voix grave, sur le premier album, j’avais essayé de changer mais on m’a encouragé à y revenir et je suis soulagé au fond car c’est la voix qui me vient naturellement.
La musique aussi a pris le large entre les deux albums. Avec une texture plus atmosphérique et organique que l’on doit à l’arrivée de deux nouveaux musiciens a priori étrangers à l’univers pop rock des Recorders. Ben Broux aux claviers et Michael John G Joosen à la batterie apportent de l’espace et du velouté aux compositions électro-pop que Gordon Delacroix élabore dans son home studio.
C’est toujours la musique qui arrive en premier. Des bouts de mélodie ou un gimmick qui me viennent en tête. C’est parfois un rythme de batterie ou de basse. Tout peut m’inspirer, une chanson entendue au supermarché, un son qui jaillit dans la rue. C’est pour ça que mon dictaphone est si précieux. Il contient des centaines de mémos avec des rythmes, des bouts de mélodies que je capte avant qu’elles ne s’évanouissent.
Très soigneux sur disque, les Recorders sont aussi un groupe de scène puissant. On a tendance à trop intellectualiser, il faut garder la spontanéité. Après avoir passé des mois en studio pour fignoler nos morceaux, on est heureux de les partager avec le public. Sur scène on a plus de liberté et ça remet les choses en perspective.
Pour les paroles qui conjuguent un spleen adolescent et la fascination pour les paysages qui débordent du cadre, Gordon puise dans les nombreux carnets remplis de bribes de textes écrits dans le flow du moment. J’assemble des mots et des phrases en fonction de leur musicalité et du sens général. Je peux passer des nuits blanches à chercher le juste emboîtement ou la bonne combinaison de mots.
Si la nature est très présente dans les textes et les clips du groupe, elle l’est aussi sur scène. Quand on joue, on aime bien avoir une touche de nature. Avant le concert, j’ai pris l’habitude d’aller en foret chercher du lierre qu’on accroche à des grands ballons remplis d’hélium qui vont s’élever autour de la scène.