Certaines vies ont été otages et jouets de l’histoire. Comme celle des juifs ukrainiens massivement massacrés pendant la seconde guerre mondiale. Le photographe américain Stephen Shore est allé en Ukraine, le pays de son grand-père, à la rencontre des survivants. Il en a ramené des photos humbles et lumineuses rassemblées dans un livre publié chez Phaïdon. Ces femmes, ces hommes sont là, chenus, courbés mais tellement forts. Il a embrassé leurs modestes maisons et leurs potagers où pousse la vie..
Que reste-t-il d’une vie qui s’égrène dans le dénuement quand la fin se fait proche ? La lumière du présent et la brise des souvenirs. Du pain sur une planche, un panier d’œufs tachés de soleil. Les petits pains au cumin que les enfants vendent au bord des routes. Shore s’invite dans ces paysages sans attrait comme s’il regardait un tableau d’une munificente simplicité.
Avant la seconde guerre mondiale, 2.700.000 juifs vivaient en Ukraine, à la fin du conflit, 1.500.000 avaient été tués, tous massacrés par des unités spéciales qui accompagnaient la wehrmacht en route vers l’Union soviétique. Parfois on souhaiterait que sa vie de survivant tienne sur une seule étagère, mais elle déborde. De trophées, de samovars et de bustes d’hommes qu’on a cru grands.
Plus loin que la petite maison où l’on met les champignons en bocaux, où les courgettes trempent dans la saumure, il y a la ville. On est là dans un autre pays, une autre époque que le photographe capte avec le même recul et la même maîtrise des couleurs et des compositions. Dans son cadre, il apaise le tumulte comme on suspend le temps.