Jacques Vaché, Arthur Cravan et Jacques Rigaut. Des noms tombés dans l’oubli. Poètes, dadaïstes, suicidés dans les années 20, ils ont peu publié et étaient vus par André Breton comme de véritables précurseurs. Le spectacle Par delà les marronniers, écrit et mis en scène par Jean-Michel Ribes leur redonne la vie et surtout la parole. Leur humour absurde, grinçant et acide est aujourd’hui toujours aussi percutant et dérangeant. Une salutaire cure de rire au noir proposée par le Théâtre de Liège
Punk avant la lettre
S’ils ont vécu les mêmes époques troublées, l’horreur de la guerre, les trois hommes ne se connaissaient pas et ne se sont jamais rencontrés. Arthur Cravan, le poète Boxeur apparaît comme un punk avant la lettre, « fier d’avoir le talent de déplaire à certains et honteux d’avoir celui de plaire à d’autrui. » glisse-t-il avec aplomb. Mais ils sont surtout dandy. L’inutile me va comme un gant. annonce Rigaut. L’éphémère a des racines très profondes en moi. complète Carvan. Alors que face au sergent enrôleur Vaché précise Je voudrais être un animal civil, avec un habit noir et des souliers vernis assis dans le hall d’un hôtel Palace avec beaucoup de plantes vertes et porter une raquette de tennis sous le bras.
Résistants au bon goût
C’est à l’écart des barricades de mai 68 que Jean-Michel Ribes a découvert les textes des trois poètes oubliés. Ça a été un choc terrible, je suis tombé amoureux de ces résistants à la société du bon goût et de la convention. Il écrit une première pièce qu’il monte en 1972. Aujourd’hui pour l’auteur de Musée Haut, Musée Bas, de Merci Bernard et de Théâtre sans animaux, le texte est plus que jamais nécessaire. Après les attentats de Charlie Hebdo, je me suis dit que ces gens étaient des enfants qui se moquaient de la bêtise des adultes, et j’ai eu envie de dire qu’ils n’étaient pas les seuls.
Fantaisie et superficiel
Alors qu’on vit tous au bord du trou, le Directeur du Théâtre du Rond-Point affirme avoir voulu insister sur la fantaisie et le superficiel. Le choix d’enrober les paroles des poètes dans une revue avec ses girls à paillettes se justifie par le contexte historique, le fameux « esprit cabaret » et sans doute par la volonté de contrebalancer la noirceur chirurgicale du propos. Dommage que la mise en scène manque d’inventivité et d’éclat et parait singulièrement datée sauf dans quelques scènes exceptionnelles comme celle du combat de Cravan avec un Jack Johnson en carton pâte et le dernier tableau sous les feuilles de marronnier. Heureusement que le texte est d’une telle puissance qu’il passe outre, porté par trois comédiens impeccables.
Par delà les marronniers, Jean-Miche Ribes, Théâtre de Liège, du 27 au 31 décembre, T. + 32 (0)4 342 00 00