Sur le quatrième album de Timber Timbre, Taylor Kirk poursuit sa quête nostalgique en plongeant dans la musique du passé pour écrire celle du futur. Sensuelles et insaisissables, sombres et solaires, ses compositions sont comme un miroir à facettes, fascinant reflet d’un univers parallèle.
Univers parallèle
Les disques de Timber Timbre ont la délicatesse des plaisirs discrets et enivrants. Taylor Kirk a commencé son projet en 2009 avec un album dépouillé qualifié de Goth folk, des histoires sombres enracinées dans le blues primitif et chanté d’un souffle fragile. Au fil des albums, le canadien a étoffé sa musique rendant de plus en plus évidente son ampleur cinématographique. Sincerely, Future Pollution, quatrième album, poursuit dans cette veine et maintient le mystère, les influences musicales sont toujours là : rockabilly, soul et musique de série B, mais elles semblent moins directes immergées dans la bande son d’un univers parallèle.
Décryptage
Sincerely, Future Pollution, ce sont les chansons d’un homme seul, un homme qui se fait des films dans la tête. La musique est immédiate et accessible, mais en même temps subtile et personnelle. La voix fragile et intimiste de Taylor Kirk se pose sur les arrangements raffinés et inventifs des fidèles multi instrumentistes du groupe, Mathieu Charbonneau et Simon Trottier. Les guitares sont cristallines, la basse rampante et les synthés évoquent des scènes de film qui ne seront jamais tournées. Une musique hantée, obsédante, baignée des sonorités chaudes des instruments acoustiques et analogiques.
L’album s’ouvre sur Velvet Gloves and Spit, un titre lent à la rythmique étouffée dérangée par ce cliquetis mécanique au refrain. On y découvre deux amants dans une chambre d’hôtel, un homme qui sent un gant de velours sur son visage.
Grifters déroule son funk robotique sur un tapis de claviers tout droit sortis de seventies. Nous sommes tous des arnaqueurs, joueurs de poker dont les visages se télescopent dans les miroirs d’une salle de jeu.
Moment s’attarde sur la fin d’un amour vécu dans le souvenir. Le rythme claque comme un talon sur un trottoir et nous mène jusqu’à un solo de guitare fracturé et ses nappes de claviers instables.
Sewer Blues déroule son rythme lourd et martial gonflé par l’écho. Dans les égouts, on entend un raclement sourd étouffé par les nuages de vapeurs.
Dans Western Questions sur un rythme tropical surexposé, réduit à une simple pulsation, Taylor Kirk chante des images d’apocalypse, d’UFO’s sur Hollywood et d’un programme international de protection de témoins.
Sincerely, Future Pollution développe une longue intro avec son côté mission impossible et la voix ici très sensuelle de Taylor qui nous emmène en décapotable quelque part dans le désert du Nevada à la poursuite d’un halo, d’une lueur dans le ciel.
Floating Cathedral clôture en cinémascope et un coucher de soleil et une guitare lascive en reverb pour raconter une visite fantasmée de l’Italie. Sur ce rythme chaloupé, on revient à New York pour traîner à Cony Island et noyer son regard dans les vagues qui moutonnent sous le pier. Si on reste suffisamment longtemps peut-être y verra-t-on même une sirène.
Il ne faut pas se fier aux premières écoutes, cet album est un labyrinthe. On croyait connaître une chanson, elle nous apparaît sous une autre lumière avec d’autres résonances. Et contre toute attente, le futur n’est pas si sombre que ça.
Interview long format de Taylor Kirk à venir sur Bazar
Sincerely, Future Pollution, Timber Timbre, CD Domino, 9 titres, 40 minutes
Timber Timbre en concert au Botanique, samedi 8 avril 2017