Eric Beauduin est un artisan et un artiste de l’accessoire qui aime déplacer les frontières. Dans le cadre de Brussels Design September, il présente un travail commun avec l’artiste Cathy Coez. Il nous parle de design, d’artisanat, de créativité et de rencontres.
Rencontrer Eric Beauduin, c’est comme surprendre une solitude inspirée dans un ancien cabinet de travail. Au moment de passer la porte, on ressent un sentiment d’indiscrétion ; on croit troubler une atmosphère minutieusement élaborée depuis des lustres. La progression timide à travers le lieu s’effectue sur la point des pieds. Tout autour, les créations habitent l’espace et composent un monde à part entière ; le temps, quant à lui, se fait plus lent, plus épais. Eric Beauduin semble plongé dans ses pensées. Il relève doucement la tête, vous fixe avec un sourire et déclare : je vous attendais . La rencontre peut débuter.
Et c’est précisément de « rencontres » dont il va s’agir ici; car c’est sans doute le sens inné de la rencontre qui constitue une part de l’originalité et du charme de ce travail centré sur le sac. Eric Beauduin sait le décliner sous toutes ses coutures, faire varier ses formes, modifier ses fonctions, enrichir son expérience à partir d’une redécouverte perpétuelle des matières. On l’imagine rêver à de nouvelles physionomies à la lueur d’une lampe, dessiner des mouvements inédits sur des papiers fragiles, créer des gestes à partir d’ombres chinoises fugaces, redéfinir des postures derrière des paravents. C’est son goût pour les collaborations qui l’ont conduit à explorer diverses voies créatrices, chercher d’autres rapports particuliers avec cet accessoire dont il semble faire un grand inconnu.
Dans le cadre de Brussels Design September, il s’est associé à Cathy Coez. Ce travail réalisé main dans main et dans une forme de corps à corps intime conduit à des visions plastiques et formelles qui relèvent à la fois de l’attrait et de la répulsion, de l’horreur et du désir. On se prend d’envie d’effleurer toutes ces matières ainsi révélées dans leurs ambiguités et leur onirisme. Cependant, le spectateur se rend vite compte que ces dernières sont chargées de significations troublantes qui évoquent autant la violence pure que l’obscène. Entre le cuir, le végétal et l’organique, se trame une drôle d’histoire où le désir des matières rejoint la symbolique des objets tout en révélant l’effroi devant leur fonction originelle.
Entre le design et l’art, entre le « féminin » et le « masculin », entre ses mondes et les nôtres, le travail d’Eric Beauduin se situe toujours dans une forme d’ entre deux ». Cette aspiration à la rencontre, il la développe également dans son activité d’enseignant. Toutefois la transmission évoque moins pour lui le savoir des techniques qu’une façon de distiller de la créativité dans les esprits. Cette manière d’outrepasser les limites et d’effacer les frontières entre les disciplines désigne la marque de fabrique d’Eric Beauduin qu’on qualifie hâtivement de « designer d’accessoires » ; vision réductrice à coup sur, mais qui à au moins la mérite de souligner le malaise ressenti devant les qualifications et les catégorisations qui tantôt font du design un art à part entière, tantôt lui refuse un quelconque sens artistique.
Eric Beauduininfos pratiques
Pour sa part, Eric Beauduin se contente de parler de ses créations comme des « laboratoires » ambulants. Certes, l’origine de son travail se situe dans l’artisanat auquel il attache une importance considérable, répétant combien, dans ce métier, il faut savoir mettre « les mains dans le cambouis ». Mais si l’artisanat a indéniablement bonne presse aujourd’hui, la situation n’est pas si simple, précise-t-il. En quelque sorte, l’artisanat souffre aussi de cette mise en avant marketing qui ne doit pas nous empêcher de s’interroger continuellement sur son sens fondamental. Précurseur dans le domaine du recyclage, Eric Beauduin pense sans surprise que la direction future du design sera « environnementale ». A peine ce dernier mot est-il prononcé que la quiétude du lieu semble reprendre ses droits tout en se garnissant de mystère. Au visiteur d’apprendre désormais à porter ce silence avec élégance.