L’automne est une drôle de saison qui provoque chez l’être humain un enthousiasme particulièrement discret. La trompette de Chet Baker, les tubes de Temesta et les bottes en caoutchouc en sont les emblèmes indémodables. Mais pourquoi déprimer en automne ? Où emmener cette langueur passagère ? Dans des pays exotiques qui troquent les infusions au citron gingembre pour les claques des soleils bruyants ?
Culinaria a décidé cette année d’envisager l’automne comme un grand renouveau, obéissant ce faisant à l’ambivalence de cette saison qui oscille entre l’abondance et la mélancolie. L’automne peut-il se savourer autrement que dans des tableaux anglais, parmi des baisers froids ou sur des plages mouillées ? On passera donc, en ce cadre, de la lamentation figée au sursaut galvanisant ; on oubliera les valses tristes et les heures grises tout comme les visages lointains ; on cessera de penser aux boucles brunes par dessus les longs imperméables.
Autumn opte donc pour une formulation anglaise. Plus court d’une lettre, l’automne, ainsi amputé, se fait plus direct, plus incisif peut être, plus réjouissant aussi. On y entre comme un courant d’air. Le visiteur croisera ici des chefs, des barmen et des spécialistes de l’alimentation. L’espace se découpe en trois pays différents.
Le Mercato Leffe et ses différents chefs (60 au total durant tout le festival) qui serviront leurs compositions aux couleurs diverses dans de petits raviers blancs : chaque jour, 10 chefs cuisineront un plat signature ou créé spécialement pour l’événement. Ce sont également 6 métiers de la gastronomie qui seront présents sur le parcours, de l’épicerie à la boulangerie.
Le Gastronomique S.Pellegrino se veut un interlude au sein du voyage : une expérience unique orchestrée chaque soir par 4 grands chefs.
Enfin, Le Club Perrier propose une ambiance plus intime, dans lequel plusieurs bartenders européens seront successivement aux commandes.
Toutes ces activités sont placées sous le signe de ces mots « extra-terrestres » qui résonnent comme des slogans : « Food », »Foodist », « Food Porn ». Autumn est international et rappelle combien la mouvance culinaire en plein essor passe aussi par la recherche d’une langue et de ses mots.
C’est donc à une promenade gastronomique qu’est convié le visiteur. Des géographies et des climats naissent spontanément à l’évocation d’un seul ingrédient. Il ne faut pas aller trop vite, surtout ne pas courir. L’accord rythmique entre le pas et l’estomac est guidé par l’odorat et les goûts. Parfois, il faudra oser fouiller les structures de ces mets, débroussailler et piquer quelques nuages, frôler des mousses en contrebas.
La scénographie de l’endroit est quelques fois très impressionnante : l’exposition des viandes de Dierendonck possède, par exemple, un aspect baroque, à moins que ce ne soit minimaliste. La nourriture ne fait pas que raconter des histoires ; elle recompose à loisir celles de notre monde.
On sort de là en étant persuadé qu’il y a plusieurs automnes : des grands, des petits, des longs, des minces, des jaunes, des oranges et des rouges. L’envie de se perdre dans des forêts, de constituer des herbiers ou d’écrire des livres de saveurs tièdes s’imposent subitement. Le palais est devenu une saison à lui tout seul. Dehors, le paysage pluvieux semble une ultime gourmandise.
Autumn, Du 18 au 30 Octobre 2016 (fermé le lundi), 8 Digue du canal, 1170 Anderlecht, www.autumn.brussels