Le resto
Tout de même, il fallait oser se mesurer à Humphrey Bogart. En avoir ou pas, comme disait Hemingway. Ainsi, lorsqu’on pénètre dans le bâtiment qui abritait anciennement la rédaction du journal « Le peuple » et qui, aujourd’hui, est investi par le label PIAS, acronyme du « Play it again Sam » qu’Ingrid Bergman lançait au pianiste dans Casablanca, on comprend vite combien le lieu va avoir toute son importance.
L’architecture d’ Humprey, moderniste post Art Nouveau et son atmosphère feutrée devraient réjouir les bons vivants bien sûr, mais aussi les fantômes des bons vivants, tous ces revenants désireux de venir humer les plats, hanter les espaces en promenant leur silhouette entre les tables. De lien, il est ici question. Tout d’abord, lier une « cuisine du monde » avec des marqueurs gastronomiques sobrement rappelés et une maîtrise d’exécution. Ensuite, lier, ce qui est en soi une forme d’exploit, des petits-déjeuners, des dîners et des soupers. Enfin, lier des vapeurs de cuisine, des résonances de swing, des odeurs délicates de tabac et d’alcools forts. Lier, partager, piocher. Le décor participe avec justesse de cette exigence. Des notes boisées, organiques, un comptoir central, des tonalités vertes, des lumière discrètes. L’ensemble est soigné et signé Frédéric Nicolay. Asseyez-vous et prenez le temps de regarder autour de vous : il existe une manière d’attendre dans les restaurants, sans rien dire, en s’imprégnant. C’est près de la mer, peut être à Casablanca, que tout débute : un homard en carpaccio repose sur une feuille de bananier, quelques fleurs de Bergamote le surplombent. Simple et d’une efficacité redoutable. Des produits frais, une exigence locale et des vins naturels : un credo désormais connu. Des asperges suivent, un Riesling par dessus. L’assaisonnement est parfaitement maîtrisé, les cuissons de même. Et puis, vient la surprise. Ce moment où l’on comprend que le chef veut ravir le gourmand, ce moment particulier où il affirme sa singularité et où se dévoile l’essence de son projet. Dans un petit panier, des ailes de poulet, savamment relevées, avec pour accompagnement du céleri et de la sauce au bleu. Il faut y aller avec les mains, ne pas craindre de se salir. On vous indique le sens précis de la dégustation. Un rhum accompagne ce délice de simplicité. Le repas ne s’achève pas pour autant ; il faut reprendre le bateau. Un porc sisig suit avec un ballotin de riz offrant des rêves philippins au plus aventureux. Enfin, une bombe en chocolat inoffensive qui renferme des truffes, le tout arrosé par une bière noire du « Brussels Beer Project » bien nommée « salvation ». Le salut, sinon rien ; voilà peut-être ce qu’on peut demander après un tel repas. Dehors, il pleut des cordes, vous vous jurez de porter désormais des chapeaux en feutre mou plus souvent et à l’occasion, contre l’avis des organismes de santé public, de vous mettre à fumer. Que dire de plus au moment de franchir la porte ? « Cook it again, Yannick ».
L’adresse
Humprey Restaurant and much more, 36-38, rue Saint-Laurent, 1000 Bruxelles, T. + 32 (0) 472.049.580 www.humphreyrestaurant.com. Ouvert du lundi au vendredi, matin (dès 8 heures pour le petit-déjeuner), midi et soir.
Le chef
Yannick Van Aeken n’est pas un novice. Il a officié pendant 6 ans en tant que sous chef au Noma, le restaurant, désormais légendaire, de René Redzepi à Copenhague. Il a aussi travaillé au non moins fameux restaurant Etxebarri, au Pays Basque. Son ambition est ici de faire se rejoindre une exigence gastronomique et les cuisines du monde, dans une ambiance conviviale et de partage.
Sa recommandation
Je recommande le Kinilaw (ceviche) accompagné de son vinaigre épicé du restaurant Enting’s spécial of Sagay.
Enting’s spécial of Sagay, 16th and Lacson St., Bacolod City, 6100, Philippines. T. + 63344351935