VERTIGES DE L’AMOUR
Un poisson exotique dans la boue des tranchées de Verdun. Une balle presque fatale et Werner, démobilisé, traîne son spleen dans l’Indochine des années 20. Mort en sursis, il est hanté par la promesse faite au fantôme de son camarade mort : trouver l’amour. C’est dans une étrange usine forteresse aux confins du Laos qu’il va le trouver. Ou plus exactement dans ses jardins où vit confinée la séduisante et mystérieuse fille des maîtres des lieux.
Angle mort
L’amour est une drogue et la séduction une stratégie. Subjugué par la belle captive, Werner n’en mène pas large mais voila que Bela, un gigolo hongrois, coincé comme lui dans la forteresse, lui suggère une des clés de l’amour. L’angle mort. Cette partie du corps que les femmes préfèrent cacher et qu’elles finissent par oublier quand elles sont nues, ne demande qu’à être couverte de baisers. Et ainsi chaque nuit, les amants peuvent faire nuages et pluie jusqu’à l’aube.
Vénéneux
On se glisse en captif volontaire dans cette fable hallucinée au romantisme morbide. Le récit de Loo Hui Phang, qui a déjà signé L’odeur des garçons affamés, déroule ses volutes et allusions avec finesse et délicatesse. Balançant entre rêve et réalité, jour et nuit et entre cette manufacture aux ouvriers zombies et les jardins luxuriants où s’alanguit la jeune femme en mal d’amour. Une grande part du charme de ce conte vénéneux tient en ce qu’il garde intact certains de ses mystères qui éclosent bien après la lecture.
Miniatures chinoises
C’est Philippe Dupuy, celui de Henriette et de Monsieur Jean, qui assure le dessin. Economes et raffinés, ses traits sont totalement au service du récit. Laissant beaucoup d’espace aux superbes voiles de couleurs, il excelle dans les paysages croqués avec la délicatesse des miniatures chinoises. Werner a cherché l’amour et la rédemption. A la fin de l’album, il remet le poisson à l’eau et se dissout dans le paysage. En paix.
Nuages et pluie, Loo Hui Phang & Philippe Dupuy, Futuropolis, 144 pages, 21,50 €
Disponible sur BAZAR e-SHOP