Certains connaissent Winshluss pour ses récits baroques et sombres, limite psychédéliques, comme sa magistrale relecture de Pinocchio. Avec ce nouveau récit imaginé pour son fils de six ans, il reste en enfance avec cette fois un peu plus de premier degré. Enfin, pas tout à fait. Car cette BD parle aux gosses d’aujourd’hui. Ceux qui ne sont plus tout à fait dupes et à qui il ne faut pas trop la ramener.
L’histoire
Angelo, sa mère, son père obsédé par sa perte de cheveux, son grand frère, un gros débile, et sa petite sœur qui n’arrête pas de brailler sont obligés d’aller voir mémé qui ne va pas bien. Et Angelo, il aime bien mémé parce qu’elle est cool et lui donne des super conseils du genre « Surtout n’écoute pas les autres et fait toujours ce que tu as envie de faire. »
Et voilà notre Angelo, oublié sur une aire d’autoroute lors d’une pause pipi. Il s’enfonce dans la sombre forêt, espérant y trouver un raccourci. Sous les ramures touffues des grands arbres, les choses et les êtres ne sont pas ce qu’ils paraissent : un écureuil qui rêve d’être un oiseau ou une luciole grosse comme une pastèque. Comme Alice dans son pays des merveilles, il s’enfonce dans un univers imprévisible où il rencontre des tas de créatures extraordinaires, souvent très bavardes. Heureusement, notre gamin a de la ressource et de la répartie.
La vision
Ce conte philosophique sur la perte des illusions et l’apprentissage de la mort offre une vision décalée de notre monde d’aujourd’hui, l’ogre est employé de banque mais toujours aussi vorace et la vallée du bonheur se mue en vallée du désespoir après le passage des promoteurs. Mais les enfants restent des enfants et des grands naïfs qui attendent toujours des histoires qui finissent bien.
La technnique
Dans ce récit ludique, nerveux et parfaitement maîtrisé, les dialogues sont très drôles et le dessin expressif réalisé en couleurs directes donne une grande lisibilité. Les séquences sans paroles dynamisent la narration et un détail insignifiant peut vite avoir des conséquences cataclysmiques qui titillent l’imaginaire. Comme dans les fables, Winshluss jongle avec les changements d’échelle du merveilleux et se sert de l’humour pour désamorcer les moments les plus effrayants pour les plus jeunes. Bien sûr, après bien des péripéties, Angelo retrouvera ses parents et sa mémé, mais on n’en dira pas plus.
Dans la forêt sombre et mystérieuse, Winshluss, Gallimard Jeunesse, 160 pages, 18€