Les palmiers, les boulevards de néons, les casinos et les boîtes à strip-tease. On pourrait être à Las Vegas, mais on est à Tatsumi, une station balnéaire japonaise à la fin des années 60. Sato, un jeune policier, se lance sur les traces d’une mystérieuse blonde en imper qui s’est évaporée alors qu’elle est soupçonnée de meurtre. Auteur de manga atypique, Atsushi Kaneko nous balance un polar trépidant qui nous happe dès son ouverture par une poursuite sous l’œil froid de la lune. Dans cet hommage au film noir, les références cinématographiques abondent depuis les paysages inspirés de séries B américaines des années 60, jusqu’aux visions tordues à la David Lynch sans oublier le clin d’oeil au « Voyage dans la lune » de Meliès, métaphore de l’obsession pour l’astre de la nuit qui ronge le policier depuis qu’un morceau de métal s’est fiché dans son crâne.
Jeu de dupes
Derrière les lumières clinquantes de cet eldorado de la frivolité et du plaisir se cache une réalité bien moins reluisante. Mensonge et corruption étouffent la ville dirigée par un inquiétant hydrocéphale tapis dans l’obscurité dans un parc d’attraction abandonné. Pantin dans un jeu de dupes, Sato comprend vite qu’il ne peut compter sur ses collègues de la police, corrompue jusqu’à la moelle, pour faire régner la justice.
Ambiances prenantes
Les récits de Kaneko se distingent des mangas tels qu’on se les imagine en Occident. Les cases sont régulières et le dessin noir et blanc au trait épais est précis. Proche des EC comics et de Charles Burns, il s’approche même de la ligne claire. Après Bambi, tueuse embarquée dans un road movie pétaradant et la série « Soil » qui dévoilait les dessous d’une proprette ville de banlieue aux prises avec des événements inexplicables, il signe « Wet Moon », une plongée haletante dans un polar halluciné.
Wet Moon d’Atsushi Kaneko, Casterman 3 vol, 8,50 €