Brussels Design September
Pierre-Emmanuel Vandeputte

Simon Brunfaut -

Pierre-Emmanuel Vandeputte fait partie de la nouvelle génération de designers belges. Ses objets étonnants proposent des expériences singulières et pleines d’introspection. Il nous parle de son travail, de ses ambitions, de ses envies et de sa place au sein du « design belge »

 

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Lorsqu’on participe à Brussels Design September et qu’on y expose au BIP en tant que jeune talent belge, s’appeler Pierre-Emmanuel Vandeputte peut constituer un avantage évident. Pourtant, quand vous pénétrez l’atelier du jeune designer de 25 ans au MAD in situ, tout semble confus : Pierre-Emmanuel Vandeputte est d’origine française ; il a fait des études de design industriel à La Cambre. Après avoir présenté son travail à Milan, le voilà bientôt reparti en Italie dans le cadre d’une bourse de travail. Tout habillé de noir, les cheveux soigneusement décoiffés, il est grand ; on a l’impression qu’il marche sur la pointe des pieds. Assis, il semble trôner sur un nuage ; debout, il a l’allure déconcertante d’un héros pasolinien. Son regard vif perce les murs de la pièce. Il possède une nonchalance singulière, discrète, presque maladroite.

 

 

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Pierre-Emmanuel Vandeputte appartient à cette nouvelle génération de jeunes designers belges. Bien qu’il croie à l’existence d’une « scène belge » en pleine effervescence, il hésite à définir le « design made in belgium » .Car, pour lui, le design « belge » est nécessairement « hybride », pas plus « italien dans la forme » que « scandinave dans la fonction ». Cela ne l’empêche toutefois pas de rêver à une « coalition de designers belges ». Sa pensée s’accélère alors, son regard se porte sur l’horizon : on le sent prêt à relever un défi sociétal de grande ampleur, et même envisager d’inscrire son design au sein d’une démarche d’économie collective et éthique. Après tout, le Mad in situ soutient des projets d’innovation sociale. C’est pourquoi il n’a pas peur d’insister sur le caractère interdisciplinaire de sa démarche. Et si il veut « raconter une histoire » avec son design, cette dernière appartient aussi aux autres. A cet égard, il retient une fonction déterminante de l’art : « décloisonner ».

 

 

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Pour l’heure, c’est en solitaire qu’il évolue principalement, assurant la conception de ses objets, de l’idée à la réalisation. Il affine ses concepts à la recherche d’une expérience toujours plus originale qui nait au contact de la matière. La première oeuvre qu’il nous montre s’intitule « Belvedere » : une ode à la hauteur, au changement de point de vue et à la fraicheur des cimes. L’envol est rapide. Très vite, il en vient à parler d’ « âme ». Mais qui parle encore de l’âme aujourd’hui ? Personne, si ce n’est précisément les designers. La preuve par les objets : chacun touche à l’essentiel. Epurés à l’extrême, ils habitent l’espace comme des interrogations émouvantes, des illuminations fugitives. En réalité, il s’agit surtout ici d’exercices d’introspection. Avec pudeur et fragilité, Pierre-Emmanuel Vandeputte évoque un « design émotionnel ».

 

 

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Ce design est résolument contemporain au sens paradoxal où il incarne un refus du temps présent, de l’immédiateté dévorante et de la course à la consommation. Toutefois, ce refus est sans violence et recèle une innocence infantile et un gout du jeu. C’est un design qui étire le temps et désire prolonger nos vies, quelque fois les forcer à l’arrêt. Pierre-Emmanuel Vandeputte cherche à matérialiser le temps de la pause en lui donnant une forme détaillée. Certes, la fonction est aisément repérable, mais il y a un envers derrière l’endroit qui demande à chaque fois une appropriation lente. Ce travail se situe volontairement entre le sens et l’émotion, plus proche d’une quête de spiritualité que d’un surréalisme débridé.

 

 

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En outre, la communion de tous ces objets entre eux instaure une cohérence logique et quasiment pieuse ; c’est comme si leur présence imposait un silence. Sur toutes les facettes de l’objet, on croit apercevoir des ombres chinoises et on se prend de nostalgie pour les paravents d’antan qui dévoilaient si bien ce qu’ils désiraient cacher. C’est en effet un jeu de « cache cache » (« Nascondino ») auquel il nous convie. Ce sont des fleurs se refermant sur elles-mêmes ou une oreille géante à l’écoute du soi et de ses murmures. Il y a chez Pierre-Emmanuel Vandeputte une manière de séparer tout en reliant, comme dans « Diplomate » par exemple.
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C’est également le travail du son qui interpelle dans toutes ces compositions. Un mélange savant extrait de la matière qui tente de mettre entre parenthèses le brouhaha du monde, pour laisser entendre le battement du coeur, comme c’est le cas dans « Cork Helmet ». Tout à coup, il semble qu’on ait pénétré l’atelier d’un organiste ou d’un astronaute en pleine préparation physique. Pour redescendre sur terre, et puisque le temps s’y prête, il évoque en passant son oeuvre « Picnic-set ». Quelques mots de plus – et puis plus rien. Le reste sera précieusement gardé. Cette oeuvre, en pleine évolution, cherche autant la délicatesse du secret que le charme de l’indiscrétion.