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© Michel Damanet
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© Michel Damanet

Design fluide
Xavier Lust

Simon Brunfaut -

Lorsqu’à travers les serres du Botanique, vous apercevez Xavier Lust pour la première fois, vous êtes surpris par sa grande taille. Entre la végétation, ses yeux fixent des horizons bleus, tel un animal des savanes prêt à bondir. Vous croyez voir un capitaine au long cours avec une pipe pleine de tabac parfumé. Cet homme s’étire littéralement d’un bout à l’autre de la pièce à la manière d’une onde électromagnétique. Xavier Lust bouscule les codes spatiaux à lui tout seul. Maintenant, il s’assied : il est toujours aussi grand. Ses gestes sont amples et tout prend des proportions incroyables ; même sa voix fait de grands signes en l’air comme les fumées d’une tribu indienne.

Aucune démesure cependant. Ses objets recèlent une élégance qui ne cesse de grandir, à l’image d’une nature en pleine mutation. Son mobilier, à qui il n’a pas peur de donner des titres de noblesse, procure l’impression d’être en extension. Souvent, il se fluidifie : on dirait quelques gouttes d’eau qui se rencontrent et s’attirent, sortant de ces lacs de montagne, miroirs et mémoires de ciels plombés traversés par une lumière pâle. Non loin, c’est là qu’il croise probablement ses fameuses « dryades », qui sortent des forêts alentours. Lentement, la réalité s’incurve dans un écrin gris-vert. Elle tangue sur la tranche d’un songe : vous êtes au beau milieu d’un pli.

Xavier Lust décrit à merveille le voyage des formes. Il invoque des courbes comme des esprits. Il crée des géométries nouvelles afin de susciter des métamorphoses. Et puis, bien sûr, il y a le métal et son usage original, cette manière de faire teinter la réalité en agitant des grelots d’argent. Pour ce faire, Xavier Lust ne brise rien : il imprime seulement un mouvement qu’il prolonge et reprend à l’envi. On parle souvent d’innovations technologiques à son sujet, bien qu’il s’agisse principalement d’un sens aiguisé de l’épure. Chez lui, l’oeuvre achevée possède encore les traits d’une ébauche totalement libre. Il surprend en suspendant un peu de légèreté. Sa contrainte est douce et jamais brusque ; la matière, docile, se laisse manipuler sous sa main, si bien qu’elle ressemble à des volutes déposées sur le monde, des abstractions d’intimité. La pesanteur cesse enfin. Tout oscille. Les flux et les reflux de la matière enferment un peu de temps dans le dessin d’un galbe.

Xavier Lust aime inscrire ses recherches dans des environnements urbains – trop souvent rigides et falots -, qu’il affectionne tout particulièrement. Il assume son engagement dans la cité. Il rêve d’un design qui serait comme une ponctuation bien choisie parmi le quotidien, une cédille placée entre l’organique et l’ergonomique, un trait d’union entre l’art et l’utile. Grâce à ses parenthèses spatiales, les hommes rebondissent sur Terre en effleurant la petite musique du mobilier.

 

Xavier Lust « Design Stories » au Botanique, 236 rue Royale 1210 Bruxelles, botanique.be

Du 11/09 au 01/11, du mercredi au dimanche de 12 h à 20 h