Il arrive que durant le parcours de Brussels Design September, alors que vous promenez votre silhouette interrogative à travers la ville, un projet pique votre curiosité et active votre pensée pendant de longues nuits. « Intrastructures » fait assurément partie de ces découvertes étonnantes. Sans doute le sens du projet se laisse déjà deviner dans l’intitulé : il va s’agir ici de se situer à l’intérieur (intra) des infrastructures, pour mieux les réorganiser afin d’y chercher des connexions inattendues. Le designer, plus qu’un démiurge, se déguise en espion s’infiltrant à l’intérieur du monde et de ses différents dispositifs. Loin d’un design systématiquement en quête de nouveauté et d’innovations en tout genre, il s’agit ici de construire un design réfléchi qui s’attèle à renouveler ce qui préexiste.
Avant d’être un inventeur, le designer sait se faire observateur critique. On l’imagine arpentant les lieux privés et publics, s’attachant à repérer les détails inaperçus, scrutant les zones laissées pour compte, débusquant les fonctions sous-jacentes, tout en traçant sur ses carnets de croquis de nouveaux chemins de compréhension et d’utilisation des lieux et des objets présents sous son regard. En voyant le projet d’ »infrastructures », qui pourrait encore sincèrement douter de la nécessité d’un dialogue entre la philosophie et le design? Vous trouverez là autant de questions et de propositions conceptuelles que dans un poêle cartésien ou à l’intérieur de la moustache de Nietzsche. Par exemple, chose relativement rare, une définition claire et intransigeante du design apparaît. « Intrastructures » se propose, entre autres, de redéfinir le travail, d’envisager l’architecture du futur à partir des motifs du passé, de créer des lieux qui génèrent plusieurs formes d’interactions sociales, d’utiliser les arbres comme support architectural, de matérialiser l’opinion public, de créer des « machines sociales » pour redynamiser les rapports entre les gens. On l’aura compris, ce design marrie adroitement l’économie, l’environnement et la société, le tout dans une optique de développement durable.
L’idée de base consiste à restaurer l’environnement ainsi que l’environnement social, sous la bannière d’une « utopie pragmatique ». Bel oxymore, n’est-ce pas ? Pourtant, il ne s’agit pas d’une figure de style. C’est un manifeste, non seulement pour les temps futurs, mais bien pour les temps présents. Il y a cinq cent ans, Thomas More publiait « L’utopie ». Il n’avait pas oublié l’architecture. Impossible d’ignorer désormais que le designer n’oublie pas, lui non plus, de penser de manière intempestive. Il est grand temps d’aller lui rendre visite dans son « poêle », pour contempler cette pensée en mouvement qui se fait à coup de crayons et de maquettes.
Exposition au Recyclart Congrès du 17/09 au 11/10, 40 Boulevard Pachéco B1000, www.recyclart.be
« Intrastructures », rue du Prévot 10, 1050 Bruxelles, intrastructures.net