Elle trouve son inspiration dans la différence, l’autre, l’ailleurs. Pour sa collection Valérie Barkowski, et aussi No-Mad, Mekong Plus ou AM.PM., Valérie travaille le savoir-faire avec passion, les yeux grand ouverts sur le monde. Balade inspirée entre le Maroc et l’Inde.
J’ai vécu pendant des années une valise à la main entre l’Inde, le Maroc, la Russie, le Vietnam, Paris, Bruxelles, New-York. Pour le moment, je pense avoir besoin de me rassembler, c’est nouveau pour moi. J’ai découvert Marrakech en 1991 et m’y suis installée une premièe fois en 1996. C’est au Maroc que j’ai commencé à travailler avec des artisans. J’avais monté une fondation, j’avais besoin de fonds, et les écharpes Mia Zia sont nées.
Le projet Bandit Queen m’a été confié pour créer une marque et une collection de linge de maison haut de gamme, en Inde et destinée à rayonner internationalement. Le défi pour moi était de d’imaginer quelque chose de nouveau, différent de ma propre collection. Mission accomplie. De là, Anuj Kothari m’a consultée pour un projet de concept-store, qui a dévié vers la création d’une marque, No-Mad, que j’ai menée de A à Z, de la recherche du nom, la philosophie de la marque, les collections, jusqu’à la stratégie de communication. Une belle aventure, avec un client intuitif et pointu, qui se prolonge toujours.
Les traditions artisanales ne sont pas les mêmes. En Inde, je travaille sur des savoir-faire qui n’existent pas au Maroc. Le blockprint, le screen print, le tissage. Au Maroc il n’y a pas de matières premières, pas de coton, pas de soie… La grande différence est là. Quand je crée, je pars d’un savoir-faire local et je le « twiste ». Pour No-Mad, par exemple, je suis partie des wax africains avec des codes indiens et de la broderie de Fez, elle-même devenue presque un design indien.
Je suis perpétuellement inspirée par l’ailleurs et par l’autre. Autant par les modes de vie, que les objets utilisés, les étoffes, les habitudes culinaires. La rue, ses couleurs et odeurs, me nourrit. A l’opposé, le désert, la mer, l’infini et le rien, m’inspirent aussi. Car, là, on va au fond de soi, seule la pensée compte. On y est libéré de tout, avec cette distance qui fait aller à l’essentiel.
Le renouvellement évolue, instinctivement, avec la vie. Il faut vivre les yeux ouverts. Toujours, continuer à chercher. Quand je vois trop de produits, lors d’un salon par exemple, je me dis que tout existe et me demande ce que je peux encore ajouter à cette masse. C’est contre-productif pour moi. Je préfère avoir une page blanche et réfléchir en fonction de ma mission. Mon inspiration est intellectuelle. Aujourd’hui, j’’enregistre ce que je vois et aime. L’écho que j’en fais peut se transcrire des années plus tard.
Ils m’ont contactée en me demandant ce que je voulais dessiner et j’ai proposé le linge de lit. Je travaille suivant les cahiers et histoires établies en amont en suivant leurs thèmes. Mais à l’intérieur de ces thèmes j’ai la liberté de proposer ma propre vision. Il me faut être créative, tout en étant commerciale. C’est très stimulant! J’aime la vision de François Bernard, et de l’équipe AM.PM. Nous avons encore quelques projets dans les tiroirs…
Comment vous situez-vous dans un marché de la création déjà hyper-saturé?
Avec Mia Zia et V.Barkowski, j’ai eu jusqu’à 400 points de ventes dans le monde, dont des boutiques en nom propre et des franchises. Les gens qui me suivent sont un peu partout: au Japon, en Equateur, en Italie, en Scandinavie, aux Etats-Unis,… Mais aujourd’hui, en tous cas pour ma marque V.Barkowski, l’échelle est différente, je ne fais pas de démarches commerciales pour trouver des clients, je les laisse venir à moi.
C’est ma première expérience de travail en tant que directeur artistique dans la structure d’une ONG comme Mekong Plus, avec des programmes sociaux formidables menés par Bernard Kervyn. En 20 ans, ils ont réussi à aider des centaines de familles au Vietnam et au Cambodge. Je suis très admirative des équipes sur place, de l’implication de chacun. Avec l’équipe de design, j’ai développé les produits liés au textile et au papier mâché. L’équipe a, depuis 2 ans et demi que je les suis, bien progressé. Etre en immersion totale dans une association vous fait vivre le pays de l’intérieur.
Vous avez des périodes bleue, rose, indigo….à quoi cela tient-il?
Quand je travaille pour mes clients le choix des couleurs se construit, No-Mad, par exemple, pour qui j’ai commencé par le rouge, et puis le noir… Je construis les collections sur base d’une couleur. Maintenant le répertoire s’étend et l’évolution se fera autrement. Comme cette année par la Table Collection. Pour AM.PM je travaille suivant leurs cahiers de tendances. Pour mon linge de maison V.Barkowski je suis mon intuition.
Dessinez-vous aussi des objets?
Je fais de la direction artistique sur les objets et si j’ai une envie je la fais dessiner car je ne suis pas designer d’objets, ce n’est pas mon métier. Dans la collection No-Mad nous avons introduit des petits meubles, le muddha le tabouret indien typique revisité ou le charpoi, le lit de repos traditionnel. Je savais exactement ce que je voulais, mais techniquement je n’ai pas la capacité à dessiner de tels produits..
Un excellent bilan pour les cinq premiers mois du Store, quoique la vente de linge de maison soit délicate, très personnalisée, il y a tant de possibilités! C’est très gratifiant d’y rencontrer les gens qui me suivent depuis de nombreuses années.
De nouveaux articles y sont disponibles depuis son ouverture?
Nous avons des paniers faits avec une créatrice japonaise, Masami Ishida. Elle dessinait des petits paniers en cuir et paille. Je lui ai proposé d’en faire des grands avec les tissus No-Mad.
Où peut-on trouver les créations V.Barkowski ailleurs qu’au Maroc ?
Mes produits se vendent, par exemple, chez Couleur Locale à Knokke. La Maison Pernoise à Perne- les-Fontaines vend toute ma collection de linge de bain. Une nouvelle boutique en ligne sera lancée bientôt par un couple qui vit du côté de Nice, quelques modèles de mon linge de table y seront vendus. Et aussi un nouveau concept store à Bordeaux. J’avance au gré de mes rencontres: slowly.
Je suis fascinée par la dextérité des artisans, par leur savoir-faire, la beauté du geste, le respect qu’ils ont pour la matière et les traditions. Sans eux nous ne sommes rien, nous les créatifs. On peut mettre toutes les idées sur papier mais si les artisans ne sont pas là pour les réaliser, rien n’existe. Je regarde d’abord, j’apprends une technique, son origine, son interprétation, sa tradition. Je la fais ensuite avec mon regard, dans mon style. Je conserve l’essence du savoir-faire mais l’interprétation devient la mienne.
Je ne suis pas manuelle. J’aime la matière, les couleurs, j’aime manier un pinceau mais je ne suis pas patiente. Ma tête est très active, une idée après l’autre. Je vois une main au travail et je pense à tout ce qui peut suivre, être fait, développé. J’aime cependant être entourée de fils, de carnets et surtout de livres. Je pourrais être manuelle dans le jardin, ou le potager, pour voir la naissance de la vie.
A voir ou à revoir : le Store de Valérie Barkowski #1, la visite privée en video exclusive de son Riad Dar Kawa.