On entre toujours dans une bijouterie comme Arsène Lupin. Il y règne une ambiance que l’on n’oserait froisser. On a envie de retirer ses chaussures sur le pas de la porte. On affine sa silhouette tout en s’apercevant dans les miroirs. Entre les vitrines, on se faufile sur la pointe des pieds et on ose à peine serrer les mains. Ici, les voix murmurent plus qu’elles ne parlent. C’est à l’oreille, à une nuque ou à un regard, qu’elles s’adressent.
Dans la galaxie de la joaillerie, Jean Dinh Van fait figure d’iconoclaste. Il n’a pas fréquenté les mêmes endroits que les autres. Il a pris plaisir à arpenter les rues à sa manière, en cherchant le bijou là où il n’était pas auparavant. Insistant moins sur le désir de brillance ou sur l’attrait du superflu, il a voulu installé durablement la beauté dans la femme réelle ; une beauté qui puisse subir les intempéries et les turbulences, cette beauté qui pleure, qui s’inquiète, qui rit, qui vit. Il a cherché un bijou qui soit comme un délicat outil sur le corps des femmes et non une simple parenthèse éphémère.
Sa grande originalité consiste à penser le bijou comme un problème pratique, pour ne pas dire sociétal. La femme en tenue de soirée ne semblait pas l’intéresser outre mesure. En revanche, la passante de Brassens a retenu constamment son attention. Certainement, il lui a fallu observer les femmes, dans le détail de leur démarche : les voir passer leurs mains dans leurs cheveux, les surprendre en train de replacer leurs lunettes ou d’appeler un taxi. On devine qu’il a sans doute dû beaucoup les aimer pour parvenir à comprendre les mouvements de leurs corps lorsque ces derniers rencontrent le monde.
Jean Dinh Van s’est toujours positionné en faveur du « prêt à porter ». Aussi a-t-il réussi à rendre un bijou aussi utile qu’une poignée de porte. Pour son emblématique collection « menottes », dont la maison fête les 40 ans au travers de sept nouvelles créations tout au long de cette année, il s’est demandé comment séparer un jeu de clé en un tour de main. On pourrait le croire serrurier à ses heures. Son point de départ n’était donc pas l’apparence, l’ornement, ni même la beauté. Chez lui, la beauté jaillit seulement de l’usage ; le bijou appartient à la nécessité et non à l’accessoire. Sa recherche le porte naturellement vers l’entrelacs, qui rappelle ses fameux baisers mis en scène par les sculpteurs italiens. Ce sont les différents liens entre le moi et le monde, entre les êtres, entre la fonction et la forme, entre le naturel et l’artifice, entre le visible et l’invisible qu’il a matérialisés dans ses créations. S’essayant à rassembler tant bien que mal les parties de nos vies qui s’échappent ou qui demeurent, il a dessiné une représentation de l’amour qui fait penser à une multitude de points de jonction.
Jean Dinh Van ne s’embarasse pas des convenances. Il veut tout montrer, ne pas masquer les raccords, laisser le bijou apparaitre tel qu’il est. Cette exigence de naturel à travers l’artifice n’est pas là pour effacer le secret, mais plutôt pour disposer un mystère à la clarté du jour. Ce sont ainsi de drôles de figures de l’enlacement qui s’enchainent au fil des rues, sur les pavés des villes. A la recherche de la féminité qui se relève dans la grâce de tous les instants, Jean Dinh Van est parvenu à donner au quotidien la valeur d’une intimité à redécouvrir, en le rendant littéralement « attachant ».
Bracelet Menottes Dinh van R12 OB : 1950 €, Collier Menottes Dinh van R15 OB + dias et perles de Tahiti
Dinh Van: 14, Place du Grand Sablon, 1000 Bruxelles, T. +32 (0)2 511 83 53 www.dinhvan.com