Samadan Shamrao Savade, cultivateur à Nankheda
Pas plus que son épouse, sa belle-mère ou ses deux enfants, qui vivent tous sous le même toit de tôle ondulée et derrière les mêmes murs de torchis, Samadhan Shamrao Savade n’avait entendu parler d’IKEA avant notre visite. Agriculteur de père en fils dans le petit village de Nankheda, au cœur de l’Etat surpeuplé du Maharashtra dont la capitale est Bombay, Samadhan cultive différentes céréales et, bien sûr, du coton. « Après la récolte, je le vends à un grossiste dans la ville voisine de Jalna, précise-t-il. Au prix du marché, qui fluctue selon les cours mondiaux. Ce qu’il devient ensuite, je n’en sais rien. »
Sur les 30 acres (+/- 1,2 ha) de terre qu’il cultive, le quart est consacré à cet « or blanc » dont l’Inde est le deuxième producteur mondial, juste derrière la Chine. Il nous en montre fièrement les plants parfaitement alignés dans un champ, où deux femmes en saris colorés cueillent sous nos yeux les belles houppes de fibres blanches si caractéristiques lorsqu’elles arrivent à maturité.
« Nous en récoltons entre 2,5 et 2,8 fois plus à l’hectare qu’avant,se réjouit-il. Et nos coûts de production, surtout consacrés aux pesticides, aux fertilisants et à l’irrigation, ont été divisés par deux, de 12.000 à 6.000 roupies/acre/récolte (ndlr : 1000 INR = 14 €). Nos revenus ont donc augmenté. »
« Avant », c’était jusqu’il y a trois ans, en 2014. L’année où Samadhan, avec une poignée d’autres cultivateurs du village, a choisi de faire confiance aux promoteurs locaux du projet BCI venus en défendre les atouts dans la région. « Il y a eu trois réunions, l’une consacrée aux différentes techniques de lutte contre les insectes et les parasites, une autre à l’utilisation d’engrais naturels et la troisième à la gestion économe de l’eau. La première année, j’ai appliqué le programme sur 2 acres, la deuxième sur 8. Les résultats sont spectaculaires. » Cotonniers plus résistants et plus grand nombre de plants à l’ha, capsules de coton plus grosses et plus lourdes, récoltes plus abondantes… Sans parler de l’impact bénéfique sur la santé :« Nous avons moins de rhumes et mes enfants n’ont plus le nez qui coule », illustre-t-il.
D’autres villageois nous ont progressivement rejoints à l’ombre d’un grand arbre pour nous faire partager leur expérience. Tous sont manifestement enthousiastes. Même si certains confessent leur méfiance initiale. « Nous avions l’habitude de suivre les recommandations des vendeurs de graines, d’engrais et de pesticides, reconnaît Sarpanch, le chef du conseil du village.Pourquoi nous auraient-ils menti ? En fait, ils nous poussaient à la consommation. C’était leur intérêt, pas le nôtre. » Rameshwar, un autre agriculteur, est plus indulgent. « Moi, j’avais du mal à croire qu’on puisse améliorer le rendement en utilisant moins d’eau et de produits chimiques. Quand je vois les résultats obtenus par mes voisins, je dois reconnaître que je me suis trompé. Maintenant, je suis convaincu. »
Dans les 55 villages que compte le district de Jalna, 8.168 agriculteurs sont désormais convertis au BCI. Cela représente 9.413 ha et 235.325 tonnes de coton par an. De nouvelles exploitations se convertissent tous les jours, comme partout ailleurs en Inde. Et, précise Samadan,« certaines pratiques plus écologiques sont transposables à la culture des céréales. C’est toute l’agriculture qui en bénéficie. »
Quand on demande à nos interlocuteurs à quoi ils consacrent leurs revenus supplémentaires, ils sourient, unanimes :« On achète des appareils électroniques et d’autres biens de consommation pour améliorer notre confort de vie. Et, surtout, on investit dans l’éducation et les études de nos enfants, qui coûtent de plus en plus cher. Notre rêve est qu’ils trouvent un bon travail en ville ou qu’ils deviennent de bons agriculteurs, avec de meilleures compétences que nous. Et qu’ils parlent anglais aussi bien que vous. »