Terres d’artistes et artisans, les Pyrénées-Orientales ont tout pour plaire. Petit séjour au cœur de l’une des régions les plus ensoleillées de France, entre mer et montagne, sur la route des traditions catalanes.
On atterrit à Perpignan. Aucun doute, on est dans le sud : tout début octobre, le soleil inonde encore les larges avenues habillées de platanes et palmiers de l’ancienne capitale du royaume de Majorque. On active le mode slow pour se balader dans les quartiers années 30 de cette ville aux accents Art Déco : de la gare à Saint-Jacques en passant par Bas-Vernet et Mercader, les amateurs en prendront plein les yeux.
On profite de notre passage pour visiter au détour d’une ruelle le petit atelier de Maxime Creuzet-Romeu. Il y perpétue avec passion la tradition du Grenat Catalan. Cet emblème, notamment offert pour les baptêmes, naissances et mariages, est spécialement taillé pour la dizaine d’artisans œuvrant toujours à Perpignan : en dodécaèdre, plat en dessous et facetté sur le dessus. Sur les traces de son père (fondateur de la Confrérie du Grenat en 1992) et des confrères de ce dernier, Maxime crée à la main des parures absolument étonnantes en respectant le savoir-faire ancestral et luttant ainsi à sa manière contre la fabrication industrielle.
Joaillier Maxime Creuzet-Romeu, Rue Fontfroide 9, 66000 Perpignan. T. +33 (0)468 34 16 94.
Appelés par le doux son des vagues, on entame notre road trip dans la petite ville portuaire d’Argelès-sur-Mer qui nous touche droit au cœur avec ses criques rocheuses et son atmosphère enjouée. Entre petits commerces et restaurants de poissons frais, on découvre l’atelier sans prétention du coutelier Philippe Bottaioli, brassant ses deux passions : la moto et le Couteau Catalan. À la ceinture de tous les locaux, la Navalla était également l’arme des bandits du Canigó, qui le cachaient dans leur manche (d’où sa ligne taillée dans la forme du coude).
Philippe Bottaioli, Quai Vasco de Gama 3, 66700 Port-Argelès. T. +33 (0)683 55 30 48.
Le soleil couchant nous invite à passer à table : on vous conseille un détour au Chai Deprade pour déguster dans une ambiance festive (et sportive, avis aux fans de rugby) de grandes planches de viandes, charcuteries et produits de la mer à partager. Pour dormir, on monte dans les collines zébrées d’Argelès jusqu’au Grand Hôtel du Golfe, contemporain et épuré, aux chambres agréables offrant la mer à perte de vue.
Là où l’homme n’a pu conduire l’eau débute le royaume de la vigne et de l’olivier. Dans les cuisines catalanes, l’huile d’olive a longtemps primé sur le beurre dont la production était limitée dû au peu d’élevage dans la région. Elle avait néanmoins mauvaise réputation et est rapidement délaissée lors de l’exil vers les villes et la prolifération des échanges. Ce n’est que dans les années 90 que les bienfaits de l’huile d’olive s’imposent aux consommateurs, aspirés par la culture méditerranéenne et le régime crétois.
Inscris dans ce mouvement, Isabelle et Gildas reprennent en 2000 le Domaine oléicole du Mas Boutet. D’abord, en restructurant les olivettes du grand-père Boutet, survivantes du grand gel de 1956 ; Ensuite, en développant de nouvelles plantations. De leurs 12ha d’oliviers en agriculture biologique, ils façonnent des huiles d’accompagnement et de cuisine (dites ‘plates’), toutes extraites à froid, non filtrées et non raffinées. On ne les quitte pas sans avoir goûté leurs olivades (le terme tapenade étant réservé aux préparations à base d’anchois) et confitures d’olives, délicieuses avec un plateau de fromages ou l’incontournable Pissaladière.
Domaine Oléicole du Mas Boutet, D 114 – Corniche de Collioure, 66700 Argelès-sur-Mer. T. +33 (0)614 90 52 51.
Autre spécialité du coin : les anchois. À Collioure, la salaison de poissons remonte au Moyen-Âge. L’anchois y était pêchée durablement à l’aide de barques catalanes. À la fin du 19ème siècle, le commerce employait environ 2000 personnes, soit presque tout le village. Depuis les années 2000, la pénurie européenne d’anchois oblige la ville à diversifier son approvisionnement. Aujourd’hui, le port de pêche ne compte plus que deux saleurs, dont l’entreprise familiale Roque, créée en 1870 par Alfonse Roque et transmise sur 4 générations. C’est son arrière petit-fils, Florent Roque, qui perpétue la méthode traditionnelle avec ses anchois au sel, marinées, anchoïades et autres crèmes d’anchois. À accorder – sur ses conseils avisés – avec un Rancio sec du Roussillon, un vin très madérisé et oxydatif qui rivalise avec le côté fort et salé du poisson.
Anchois Roque, Route d’Argelès 17, 66190 Collioure. T. +33 (0)468 82 04 99.
On en profite pour visiter la magnifique ville de Collioure, perle de la Côte Vermeille. Fier membre des 3C (avec la cubiste Céret et la surréaliste Cadaqués), ce petit port Catalan est intimement lié à l’histoire de l’art du XXème siècle. En parcourant ses ruelles étroites et colorées ainsi que son musée d’Art Moderne, on suit les pas de Matisse et Derain qui y ont donné naissance au Fauvisme en 1905. Notre âme d’artiste s’éveille aussi face à la crique ensoleillée et sa superbe citadelle dont les fondations plongent dans la Mer Méditerranéenne. Dîner fantastique au El Capillo, gros coup de cœur du séjour – malheureusement fermé depuis peu mais on reste au taquet pour leurs futurs projets.
Les catalans embrassaient à l’époque la double activité de pêcheurs-vignerons : par mauvais temps, ils passaient de la mer à la vigne et inversement. Sur ces paysages escarpés, balayés par la tramontane (un vent froid, sec et violent), se déploie un vignoble très varié, à la source de vins de caractère. Parmi les appellations protégées des Pyrénées-Orientales, on retient notamment les Vins Doux Naturels, à la fois alcoolisés et naturellement (très) sucrés.
Le Domaine familial Vial Magnères – l’une des plus vieilles caves particulières de la région – exploite depuis plus de 120 ans 10ha de vignes réparties sur une quinzaine de parcelles côté mer ainsi que dans l’arrière-pays. C’est là que sont cultivés à la main les cépages du Banyuls, un vin doux et velouté à la richesse aromatique surprenante. On « boit à la régalade » en compagnie de l’associé Laurent Dal Zovo, élu vigneron de l’année du Guide Hachette 2021 dans le Roussillon. Pas très loin, on dépose nos valises à l’hôtel Les Elmes et on s’offre un plongeon automnal dans la belle Méditerranéenne.
Domaine Vial Magnères, Rue Edouard Herriot 14, 66650 Banyuls-sur-Mer. T. +33 (0)468 88 31 04.
Tout trouverau marché
Le lendemain, on monte jusqu’à la petite ville de Céret, aux innombrables qualités. Berceau du mouvement Cubiste (rappelez-vous, les 3C !), cette cité méridionale inspire par sa luminosité, ses ruelles pavées, ses fontaines et ses jolies places cachées entourées de restaurants et cafés. Son Musée d’Art Moderne, très réputé, est un lieu de rencontre entre les plus grands artistes : Picasso, Braque, Gris, Soutine… y sont exposés. C’est également la capitale de la cerise : chaque année, la première récolte (de France !) est envoyée au Président de la République et célébrée lors de la fête de la cerise, au mois de mai. Enfin, on ne manquerait pour rien au monde son marché qui fait la renommée de la petite cité : chaque samedi, on aime se perdre dans ses étals, entre spécialités et produits locaux.
La vivante cité d’Amélie les Bains attire les curistes européens. Cette station citadine se déployant le long de la rivière Tech est principalement réputée pour ses thermes, veillés par le Mont Canigou. On s’y rend pour une raison plus gourmande : la Pâtisserie Perez-Aubert est l’un des trois derniers fabricants de la Rousquille artisanale dans le département. Créé en 1810 par le pâtissier Marius Séguela, ce biscuit moelleux aromatisé à l’extrait de citron de Grasse subit une technique de pétrissage particulière avant d’être enrobé d’un glaçage au sucre. Du catalan rosca qui signifie couronne, la Rousquille était notamment reconnaissable au trou en son milieu (aujourd’hui associé à la pâtisserie industrielle) qui permettait aux vendeurs ambulants (les Rousquillets) de les enfiler sur de longues et fines baguettes.
Pâtisserie Perez-Aubert, Rue des Thermes 12, 66110 Amélie-les-Bains. T. +33 (0)468 39 00 16.
Infospratiques
Le village médiéval d’Arles-sur-Tech abrite vieilles pierres, jolies rues pavées et balcons de fer forgé. L’ancienne usine de tissage – rachetée par la commune il y a 10 ans – accueille aujourd’hui le Moulin des Arts et de l’Artisanat, un ensemble de 9 ateliers où sculpteurs, peintres, tapissiers, bijoutiers, ferronniers, verriers… des environs se rencontrent pour partager leur savoir-faire.
Le Moulin des Arts et de l’Artisanat, Rue du 14 Juillet, 66150 Arles-sur-Tech. +33 (0)783 07 55 98.
On s’offre un dernier détour à Saint-Laurent-de-Cerdans, fief de la fabrique de vigatanes traditionnelles (notamment portées pour la danse traditionnelle de la Sardane à travers tout le territoire) et des célèbres Toiles du Soleil aux rayures emblématiques. C’est sur ces notes colorées que se termine notre séjour dans les Pyrénées-Orientales, dont les multiples visages nous inspirent quelques futurs voyages.
Les Toiles du Soleil, Rue Jean Jaurès 8bis, 66260 Saint-Laurent-de-Cerdans. T. +33 (0)468 39 50 02.
Création Catalane, Chemin du Baynat d’en Pouly, 66260 Saint-Laurent-de-Cerdans. T. +33 (0)468 54 08 68.