Marie Dykmans, blogueuse belge créatrice du site culinaire Choupetamarie, et chroniqueuse À tables! pour Bazar, est partie le 4 octobre 2017 en aller simple pour un voyage autour du monde. Au fil des semaines, notre globe blogueuse vous présente les points forts de son voyage. Les gens, leurs coutumes, leur cuisine et leurs styles de vie. Mais aussi ses meilleurs plans, ses surprises, ses trouvailles locales….Embarquement immédiat en compagnie de Marie de Belgique!
Escale #6 La Birmanie
La lecture du roman Birmane de l’écrivain français, Christophe Ono-dit-Biot, est le fruit d’une mystérieuse passion aveugle qui naquit en moi pour ce pays d’Asie du Sud-Est. Jusqu’aujourd’hui toujours relativement préservée du tourisme, la Birmanie, renommée Myanmar par le gouvernement dictatorial, m’est apparue comme la matérialisation physique d’une Asie traditionnelle décrite dans nos livres d’histoire. Tandis que dans les pays voisins, tous se pressaient sur le chemin de l’évolution technologique, conséquence d’une mutation trop rapide qui a laissé des séquelles tant écologiques que culturelles, en Birmanie, les horloges ne tournaient pas. Séquestrée pendant de nombreuses années par une junte militaire oppressive, la belle et mystérieuse a suivi le cours de l’évolution à son propre rythme: lent. Le résultat est stupéfiant, un pays d’une beauté transcendante et d’une authenticité rare. Je ne sais déterminer si c’est l’élégance de leurs esprits dictés par des traditions d’un autre âge, souvent oubliées dans nos pays d’Occident ou si c’est la passionnante diversité culturelle qui fait la grâce de cette nation. Faut-il qu’un peuple verse son sang et se batte pour sa liberté et sa démocratie pour apprendre à sourire à son prochain sans rien attendre en retour ou est-ce la simple application des coutumes locales? Ce qui est certain, c’est que si l’hospitalité et la prévenance possédaient une origine terrestre, elle serait birmane. Le peuple birman est de loin le plus avenant et attentionné qu’il m’a été donné de rencontrer. La clé du bonheur ne se trouve pas dans les possessions matérielles, mais dans le cœur des hommes et ça, les birmans l’ont compris depuis bien plus longtemps que nous.
Chez les Birmans
J’ai rencontré Yo Hin, une femme au visage tatoué dans les montagnes de l’état Chin
C’est à l’âge de cinq ans que le visage de Yo Hin a été marqué à l’encre indélébile. Membre d’une des rares tribus birmanes perpétuant le rite du tatouage facial, exclusivement réservé aux femmes, la benjamine n’a pas eu le choix, elle aussi doit arborer fièrement les signes distinctifs de son clan. Son visage, tout comme sa non liberté de choisir appartiennent à une destinée marquée par la tradition. Ces tatouages sont les témoignages d’une coutume à la fois symbolique et douloureuse en voie de disparition.
Un poulet est le prix à payer pour que le maître tatoueur du village inflige son sort de privilégiée à la jeune fille: la transfigurer en vraie femme de la tribu. Ce rituel peut durer jusqu’à trois jours et demeure extrêmement douloureux. Outre les cicatrices et le sang qui coule du front au menton, la nature des matériaux utilisés pour les tatouages sont souvent la cause d’infections et d’autres complications. L’encre est obtenue à l’aide de bile de vache, de plantes, de graisse de cochon et de suie et est incrustée sur le visage par l’intermédiaire d’une épine de citronnier ou de rotin provenant des montagnes environnantes. Les motifs dessinés définissent l’appartenance ethnique de la jeune fille.
Fruit d’une tradition ancestrale, cette loi ethnique a donné naissance à des légendes multiples et farfelues. La plus probable et répandue raconte que ces tatouages servaient à enlaidir les femmes de l’état Chin, considérées comme les plus désirables du Royaume, et ainsi empêcher les monarques birmans d’en faire leurs esclaves. Aujourd’hui, les critères esthétiques et spirituels prédominent.
La pratique ayant été bannie depuis les années 1960, le nombre de femmes tatouées disparaît rapidement. Néanmoins, en me perdant sur les chemins montagneux de Mindat, j’ai croisé la route de quelques jeunes femmes ayant bravé la prohibition. Dans cette région isolée de Birmanie, vivent trois ethnies de femmes aux visages dessinés: les Dais, les Muuns et les M’Kangs.
Âgée à présent d’une septentaine d’années, Yo Hin soutient être fière des empreintes sur son visage et de leurs connotations ethniques. Malgré l’atrocité des souvenirs de la douleur intense subie, elle se sent privilégiée d’être un hommage vivant à l’histoire de sa tribu et à ses ancêtres. À travers son visage et son récit, elle fait perdurer les mœurs des siens. C’est à Mindat, une ville de l’état Chin, à flanc de montage, que j’ai eu l’honneur d’être la témoin d’un présent qui fera bientôt partie de l’histoire.
J’ai mangé une salade de feuilles de thé vert appelé laphet thoke
L’entrée dans un nouveau pays se traduit avant tout par la conquête palpitante d’un nouvel univers culinaire. Du moins, c’est ce que dirait l’incorrigible gourmette qui sommeille en moi. Après la Thailande, la cuisine birmane paraît simplement dépaysante. Ici on ne perçoit pas l’ombre brûlante d’un piment, ni ne retrouvons la suavité du lait de coco. C’est dans les saveurs de ses mets que se reflètent l’histoire et la multi-culturalité du pays.
La Birmanie, une terre plusieurs fois conquise, piétinée par des centaines d’ethnies, riche et fertile, garde les marques de traditions remontant à des milliers d’années, de vies et de coutumes. L’origine d’un éclectisme culinaire captivant qui mérite d’être estimé. Par opposition à ses pays limitrophes qui promeuvent fièrement leur mono-cuisine, dans les villages de Birmanie, se côtoient en harmonie: bouis-bouis indiens, thaïlandais, chinois, et bien sûr, birmans.
Jusqu’aujourd’hui encore négligée sur la scène gastronomique internationale, la cuisine birmane recèle de recettes qui mériteraient une place dans nos livres de cuisine exotique. Le Laphet Thoke est l’une des nombreuses salades traditionnelles qui a su fasciner mes papilles gustatives et faire naître en moi la nostalgie des saveurs bientôt perdues. Le Laphet Thoke a de spécial son histoire comme sa recette. Autrefois, il était de coutume de savourer du thé en Asie, mais seule la Birmanie a conservé cette tradition à travers cette recette emblématique à base de feuilles de thé vert fermentées et agrémentées d’ail frit, de fèves de soja, de tomates, de sésames et de cacahuètes. Une explosion de saveurs étranges, mais envoûtantes. Ce plat national est une marque tacite d’hospitalité qui est servi aux invités en témoignage de bienvenue. La Birmanie en regorge, il constitue le point commun de tout menu birman, modeste comme gargantuesque.
J’ai dormi au bord du lac Inle
C’est souvent dans les endroits les plus reculés, que l’on reconnaît la majestuosité et la beauté de la création naturelle. Le lac Inle représente en lui-même l’apaisante douceur de l’Asie qui m’a depuis longtemps envahie. Cette région du pays est mondialement connue pour les impressionnantes techniques misent au point par les Inthas, habitants du lac, pour pêcher et cultiver leurs végétaux. Passagère d’une longue barque effilée voguant au ras de l’eau, je me délecte du paysage qu’offrent les jardins flottants entourés d’habitations sur pilotis faites de bois et de bambou tressé.
Nous approchons un batelier en équilibre à l’extrémité de sa pirogue. Il manœuvre adroitement sa rame d’une jambe, gardant ainsi ses deux mains libres pour attraper le poisson avec son panier conique. Les mouvements agiles du navigateur composent une chorégraphie unique et distinguée qui hypnotise notre modeste embarcation. Le beau n’a pas de frontière, il se glisse partout et submerge notre mémoire des souvenirs les plus précieux.
Rien de plus approprié pour s’imprégner du rythme du lac que de loger sur ses rives. Le Resort Amata semble être le choix idéal pour tirer au maximum profit des bienfaits de cet environnement paisible. Le resort est reculé et naturellement protégé grâce aux montagnes Shan et la forêt qui l’entourent. Si c’est la quiétude et la nature que vous poursuivez, Amata rassemble les critères de votre recherche. Les luxueuses villas sont entourées d’une végétation abondante, et bénéficient d’un charme à tomber par terre. Décorées dans un style birman raffiné, elles sont pourvues d’une salle de bain royale, d’une terrasse en bois et d’une chambre à coucher spacieuse. Le complexe Amata regorge de vues à couper le souffle et est également doté d’un spa et d’ une piscine avec un panorama sur le lac Inle et ses couchés de soleil saisissants. Pour les gourmets, le buffet matinal gargentuesque saura à lui seul prouver la qualité du service d’Amata. Le Resort est,en un mot, une oasis nichée sur les rives d’un des plus séduisants paysages de Birmanie.
J’ai déambulé d’un temple à l’autre à Bagan
Des temples à perte de vue, des montgolfières flottant dans un ciel safran bordé de pourpre comme en feu, un paysage irréel que je ne risque pas d’oublier et qui me rappelle les contes d’enfants qui n’ont pourtant rien de réels, je vous présente Bagan. Le site archéologique est tout bonnement un incontournable de tout voyage en Birmanie, le manquer serait un acte de pure folie. La magie de Bagan, c’est sa grandeur permettant de flâner sur les chemins de terres entourés de prestiges archéologiques sans suivre ni itinéraire, ni guide, à la découverte des temples perdus. On penserait qu’un lieu aussi prodigieux serait pris d’assaut par les touristes, étonnement ce n’est pas le cas. Tout comme le reste de la Birmanie, Bagan demeure relativement préservé. La cité aux 2000 temples ne manque pas de trésors. Néanmoins, certains des temples sont considérés comme les plus prestigieux: Ananda, Shwezigon, Sulamani, Htinlomindo et Dhammazedi.
Le New Bagan est le nom donné à l’agréable village rassemblant un bon nombre des hôtels et restaurants entourant le site historique. C’est aussi là que se trouve le complexe Amata Garden Resort. Un véritable havre de paix où tout est de mise pour se relaxer après une journée de visite à Bagan. De l’accueil haut de gamme à la qualité et diversité des infrastructures, le complexe est une réussite tant au niveau architecturale qu’hospitalier. Dans un style mariant les traditions birmanes au design contemporain, Amata propose une atmosphère exotique et raffinée propice au repos.
J’ai retenu
– La capitale fantôme de Naypyidaw construite de toute pièce au milieu de nulle part. Un gouvernement dictatorial et corrompu forme souvent le candidat parfait à la réalisation des projets les plus biscornus. C’est ainsi qu’en 2005, la Birmanie apprend sans autre explication, la destitution de sa capitale au profit de la création d’une nouvelle appelée Naypidaw. L’investissement tourne autour de la modique somme de 4 milliards de dollars, sa taille est de six fois celle de New York, mais la gigantesque ville semble dénuée de citoyens. Le spectacle fait froid dans le dos.
– Les élégants motifs de thanaka dessinés sur les visages des birmans. Le Thanaka est un cosmétique naturel obtenu par l’humidification de l’écorce de bois de Thanaka. Le peuple birman s’en sert comme d’une crème solaire naturelle, mais elle possède également des vertus médicinales. C’est une pratique Birmane qui remonte à plus de 2000 ans et qui demeure actuellement très populaire, considérée comme le critère de beauté par excellence.
– Les nombreux et incessants crachats rougeâtres de bétel ou Kun Ja. Cette préparation à base de plantes, de noix, de tabac et d’épices est l’addiction numéro un des birmans. Elle, non seulement colore les dents en rouge, mais les ravage également. Les birmans en sont les plus grands consommateurs dans le monde. Compagnon d’infortune de la classe populaire, le bétel possède des propriétés stimulantes favorisant la productivité, mais malheureusement aussi le développement de cancers de la bouche.
Si vous avez des questions, des conseils ou des suggestions, n’hésitez jamais à me les partager, c’est un voyage improvisé où toute opportunité est bonne à prendre!
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Je m’embarque à présent pour les Philippines. Rendez-vous au plus tard (mais peut-être plus tôt!) dans un mois sur Bazar et ses réseaux sociaux, pour la suite de notre aventure commune!